Quand le gardien de la porte des temps sonne l’alerte, Kerryen, roi du Guerek, débarque avec ses soldats pour découvrir un être recroquevillé sur lui-même, une femme, dont il se désintéresse aussitôt, au grand désarroi de sa tante, Inou, qui l’a élevé à la mort de sa mère. Désespérée par l’attitude de son neveu, celle-ci choisit un garde, Amaury, pour l’aider à s’occuper de cette invitée inattendue dont la peau porte de nombreuses meurtrissures.
Préoccupé par le désir de conquête d’un empereur noir qui descend du nord, Kerryen écrit aux souverains des pays voisins avec lesquels il devrait s’unir pour contrer la menace : Pagok du Pergun, Péredur du Kerdal, Eddar de l’Entik, Gardj de Brucie. Il rejette toutes les affirmations d’Inou sur l’importance de cette femme dans ce futur combat.
Bien décidée à prouver à Kerryen son erreur de jugement, Inou entreprend de réveiller sa protégée de son actuelle léthargie. Malheureusement, si de légers réflexes semblent réapparaître, l’esprit de celle-ci demeure absent. Pourtant, elle échappe une première fois à la vigilance d’Amaury qui la retrouve en tête à tête avec l’infernal étalon du roi, Ardan, puis à Inou. Alors, une nuit, elle retourne prendre un kenda d’Avotour fixé sur un mur, puis refuse de s’en séparer.
Sous l’impulsion d’Inou, Amaury choisit de l’emmener en ville. Profitant de l’aide de Mira, l’assistante d’Inou, il troque la tenue de la femme pour une autre plus masculine. Cependant, énervé par son manque de réactivité, il tente de lui arracher son bâton. Aussitôt, elle le met à terre. Surpris sur le moment, le garde décide de développer cette ébauche d’autonomie.
Rendant visite à son neveu, Inou découvre dans un courrier que Kerryen a vendu leur invitée pour appâter Eddar. Furieuse, elle part immédiatement chez Mukin, le sage, en compagnie d’Amaury et de sa protégée, confiant à celle-ci comme une ultime vengeance, Ardan.
Mukin s’intéresse à la femme qu’il baptise Ellah en raison de la légende d’Ellah Leiring. La nuit venue, certain qu’elle renaît grâce à l’affection de ceux qui l’entourent, il partage son esprit avec elle, puis entraîne ses compagnons dans la montagne. Devant leurs yeux, un lien inédit se crée entre Ellah et un énorme chien blanc sauvage. Face à tous les bouleversements de sa vie, Inou résiste difficilement. Au matin, le groupe s’ébranle pour rejoindre la maison de Béa, la plus ancienne amie d’Inou. De là, ils décident une visite chez Tournel pour obtenir de lui d’éventuels renseignements sur le fonctionnement de la porte.
Quand un messager leur apprend que la menace est arrivée à proximité de leurs frontières, ils reviennent chez Béa pour y découvrir Kerryen, accompagné de sa demi-sœur, Adélie. Celui-ci en profite pour reprendre Ardan au grand désespoir de la femme, puis identifie entre ses mains un kenda de sa collection. Après un affrontement bref, Ellah défait le garde chargé de le récupérer, puis le confie à Amaury qui le rend à son roi. Alors que Kerryen s’apprête à repartir avec son arme, Ellah la rappelle à elle. Puisqu’elle souhaite la conserver, le souverain lui ordonne d’intégrer sa garnison. Tournel qui a assisté de loin à l’altercation offre à Ellah la traduction d’un précieux parchemin à propos de la porte.
Revenue à Orkys, alors qu’elle surveille la cour remplie de futurs combats, ouvriers, artisans ou paysans, Ellah remarque un jeune garçon qui veut s’enrôler, Raustic. Réalisant que tous ces hommes vont mourir pour rien, elle débarque dans le bureau de Kerryen pour lui suggérer mettre à profit les talents de chacun et, ainsi, éviter leur disparition inutile, mais celui-ci la chasse sans même l’écouter. En dernier recours, elle sollicite l’aide Mukin pour amener le roi à reconnaître la pertinence de ses idées.
Pour avoir désobéi au chef des gardes, Ellah est emprisonnée avec Raustic. Le lendemain matin, quand Kerryen l’apprend, il fait aussitôt libérer les deux captifs. Alors qu’Ellah retourne dans la cour, Amaury la rejoint et lui transmet un message de Mukin. Au même instant, son esprit discerne une grave explosion et, incapable de résister, emprunte Ardan une nouvelle fois. Après avoir prévenu Inou, Amaury se précipite pour la seconder. Croisant sa tante et Béa, Kerryen, frappé par leur attitude comploteuse, se décide à les précéder et se rend chez Mukin par un autre chemin.
Parvenu chez Mukin, le souverain accompagne Ellah et Amaury pour dégager un accès vers la salle effondrée dans laquelle gît le corps du sage. Sans bien savoir comment, Ellah le sauve. Dans le fond de la maison, une étrange ouverture mène par un escalier vers quelques geôles. Dans l’armoire d’une pièce adjacente, elle tombe sur quatre livres dont le premier, un carnet, possède un titre qui la surprend : « Les Portes d’Antan ». En raison de la présence du roi derrière elle, elle ne peut les consulter, mais arrive à subtiliser ce dernier. Alors que Mukin explique les raisons de l’explosion, des expériences sur une substance noire rapportée de ses lointains voyages, Kerryen y voit immédiatement une extraordinaire opportunité pour repousser leurs ennemis.
Malgré ses efforts pour exister, Ellah peine à retrouver ses marques dans ce monde qu’elle redécouvre, de plus en plus sensible à son absence de passé, à son corps meurtri et à son incapacité à envisager un futur, sans parler des informations qui surgissent dans son esprit sans contrôle. Dans la garnison, son intégration dérange et les coups tordus se multiplient.
Au grand désarroi de Kerryen, Allora rejoint Orkys et se révèle d’une aide précieuse dans la planification des défenses du Guerek, tandis que le souverain précise pièges et innovations. Puis, au cours d’un combat dans la cour de la forteresse contre Mukin, Ellah démontre son exceptionnel potentiel, sous le regard admiratif d’Adélie. Observateur lointain, Kerryen la déteste encore plus.
Lors d’une visite à Adélie, la jeune fille parle à Ellah de la magie, mais cette dernière ne sait comment réagir, surtout qu’elle ne maîtrise rien, ni les souvenirs étranges qui reviennent à elle sans choix conscient ni les picotements qu’elle ressent dans les doigts. Préoccupée par son propre sort, elle ne cherche pas à approfondir les mystères qu’elle perçoit dans les propos d’Adélie. Pendant la nuit, elle se rend au col de Brume pour rencontrer Tournel. Une fois, là-bas, l’homme lui explique que le livret qu’elle détient comporte plusieurs langages et qu’il a constaté l’insuffisance de ses connaissances pour le traduire. Cependant, il lui transmet l’original d’un parchemin qu’elle arrive à lire. Son contenu renforce sa décision de retourner à la porte.
Blessée dans un accident, Allora est ramenée au château. Énervée par l’insensibilité de son neveu, Inou reproche vertement à celui-ci sa muflerie. Hanté par les paroles de sa tante, le roi demande Allora en mariage.
Quand Ellah et Amaury atteignent le col, ils apprennent que Kerryen et son escorte sont partis un peu plus tôt vers le Pergun. Alors que les images se précipitent dans la tête de la combattante, celle-ci comprend que l’empereur a envoyé quelques éclaireurs qui ne feront qu’une bouchée de la troupe. Saisissant l’imminence de la menace, elle délègue à Amaury le soin d’aller prévenir la forteresse et dévale la pente. Si elle n’arrive pas à temps pour sauver les gardes, elle se bat aux côtés de Kerryen, soutenue par son chien blanc et l’étalon, puis se débarrasse de l’ultime soldat de Tancral. Dévastée d’avoir tué deux hommes, elle se maudit et ne résiste qu’en raison de la présence de ses animaux, comme de son kenda.
Au pied des fortifications, elle quitte Kerryen pour étudier le marais, puis lui apprend un peu plus tard que leurs ennemis attaqueront le lendemain et que, comme elle, les assaillants voient la nuit. De nouveau à Orkys, elle rejoint la porte qui lui ouvre une petite part de son mystère. Quand Ellah se réveille après un étrange voyage, elle comprend qu’elle ne la franchira plus jamais, refusant de revivre une nouvelle fois une telle épreuve. Alors qu’elle revient, se méprenant sur ses intentions, Amaury l’embrasse et lui propose de l’épouser pour l’empêcher de partir avant de s’apercevoir de l’excès de son comportement. Ellah lui demande de garder son chien, puis retourne au col.
Quand la marée humaine annoncée par Ellah devient visible, Béa, pressée par le temps, déclare sa flamme à Tournel.
Alors que quelques heures précèdent encore l’attaque, le regard d’Ellah erre sur le marais ; elle a oublié l’essentiel. Avec trois compagnons, Raustic, Greck et Jiffeu, elle y descend pour y installer un dernier piège.
Alors que la confrontation avec leurs ennemis débute, un souvenir surgit dans l’esprit d’Ellah. Abattant deux soldats, relais de Césarus, le combat cesse. Ellah sauve Mukin une seconde fois, puis découvre un instant plus tard la mort de son chien qui s’est échappé de la forteresse. Ébranlée par cette perte, elle s’engage dans une mission suicide avant que Césarus ne reprenne la main sur ses guerriers. Accompagnée de Kerryen, elle repart devant la muraille pour faire exploser les barils de poudre. Si le roi retourne derrière la protection temporaire des remparts, Ellah renonce à y rentrer. Cependant, un clapotis étrange la surprend : les hommes de l’empereur traversent le marais. Et une idée jaillit dans sa tête. Bientôt, grâce aux tirs enflammés des archers de Kerryen unis au sien, la totalité de la tourbière s’embrase, brûlant vifs tous les soldats présents. L’armée de Césarus est détournée ; le Guerek a triomphé.
Sans son chien, Ellah ne souhaite plus vivre. Décidant de rendre son kenda à Kerryen, elle rejoint celui-ci dans son bureau et, à la suite d’une discussion animée, escalade la balustrade qui domine la mer Eimée, déterminée à se jeter dans le vide. Mais Kerryen l’empêche de sauter et la ramène dans sa chambre. Ils finissent la nuit ensemble avant de se souvenir que le roi est engagé avec Allora. Pour cet homme, Ellah se donne un sursis, mais, elle n’a pas changé d’avis, la mort l’attend.
Quand Allora de Srill, auprès de qui il s’était engagé, l’a relevé de sa promesse, Kerryen a épousé Ellah. De leur union est née une petite fille, Amylis, et la famille vit heureuse dans la forteresse d’Orkys, capitale du Guerek ou presque… En effet, de son actuelle histoire, Ellah a conservé une grande vulnérabilité à laquelle elle résiste grâce à la présence de Kerryen et de son bébé. Sur le point de fêter le premier anniversaire de la victoire sur Césarus, le château se prépare à accueillir des visiteurs, des proches comme des curieux. De façon contradictoire, Allora annonce son départ du Guerek à Ellah, lui expliquant qu’elle a renoncé à Kerryen, alors qu’elle l’aimait, en raison des sentiments qu’elle avait devinés entre eux.
De son côté, Adélie qui n’a jamais cessé de vouer à la porte une vénération, ce matin-là, se rend devant elle, bercée par une magie conciliante. Parallèlement à un bruit sourd extérieur, un changement d’éclairage la dérange, puis trois silhouettes se dessinent dans la lumière. Les nouveaux arrivants, Pardon et ses enfants, espérant tomber sur Aila, sont déstabilisés par cet accueil imprévu associé à la différence de langage que Tristan ne parvient pas à corriger. La cloche d’alerte sonnée, Kerryen débarque l’épée au poing, bientôt suivi d’Ellah et d’Amaury. Reconnue par les visiteurs, la reine se décompose, tandis que Pardon ne désire plus que repasser la porte pour mettre fin au cauchemar de voir sa femme avec un autre homme.
Dans une pièce plus confortable d’Orkys, la discussion entre les nouveaux venus et Ellah ne se révèle pas pour autant plus facile, principalement en raison du silence de Pardon, dévasté, et celui habituel de Tristan. Ellah leur apprend qu’elle est arrivée presque deux ans plus tôt elle ne se souvient plus de rien. Par politesse, elle les invite cependant à rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent. Alors que Pardon désire uniquement fuir cet endroit, Naaly obtient un délai pour renouer avec sa mère. Montant dans les étages, elle la retrouve dans sa chambre et se découvre une petite sœur, Amy ou plutôt Amylis.
Pendant ce temps, perturbé par les propos échangés, Tristan se promène dans la forteresse, se posant des questions auxquelles personne d’autre que lui ne semble songer. Où sont-ils et quand ? Avant de rejoindre son père, Naaly redescend dans les sous-sols et observe quelques mouvements de troupes souterrains. Le trio réuni, ses membres envisagent de repasser la porte, mais Ellah les invite à fêter avec eux le premier anniversaire de la victoire du Guerek, permettant du même coup à Tristan d’associer les pièces ; il comprend qu’ils ont atterri dans la forteresse du Guerek qu’ils ont connue en ruines, le jour même où celle-ci a été attaquée. Pressé par l’urgence, grâce au retour d’un léger contrôle de la magie, il parvient à partager les pensées, contournant la barrière de la langue. Ainsi, Kerryen apprend que sa cité sera totalement détruite et que son roi finira les os brisés. Cependant, Tristan leur explique que le passé précédent peut avoir été modifié par la venue d’Ellah et, que le déroulement des événements actuels peut différer du premier. Au même moment, Naaly parle des mouvements observés dans les sous-sols et l’alerte est donnée : le château est attaqué par l’intérieur, mais aussi par l’extérieur. Pardon et Naaly accompagnent Kerryen pour défendre le lieu, tandis qu’Ellah met Amy à l’abri. Quand Inou réalise l’absence d’Adélie, Tristan se propose de partir la rechercher. Sa fille en sécurité, la reine rejoint les combattants dans la cour. Malheureusement, la forteresse apparaît perdue. Organisant la fuite du personnel par le souterrain, les yeux d’Adélie se posent sur Pardon qui a généré chez elle des sentiments inédits, pendant que ce dernier, définitivement éprouvé, découvre le bébé du couple. Alors qu’ils atteignent la salle de la porte, Kerryen annonce à Ellah qu’elle doit suivre son ancienne famille en raison du pacte qui l’oblige à respecter un vœu unique de sa part. Malgré sa colère, elle ne peut refuser et, sa fille dans le bras, passe les ondes avec Pardon et ses enfants. Dès cet instant, Kerryen ordonne à ses hommes de la détruire.
Impatiente de lire la suite, même si un peu « noir ». Pourvu qu'elle s'en sorte bien ainsi que sa famille
Sur AmazonDe la noirceur !?… Moi, j'y ai vu beaucoup de verdure…😁
Une fin… Haletante, je n'ai repris mon souffle qu'à la dernière page… Avec toujours ce même résultat, La Suite !!!!
Toutes les émotions y passent, de la frustration, de la colère, de la peur, de l'amour… Que ça soit pour nos héros ou pour nous lecteurs…
Un volume différent… Décidément, rien ne sera épargné à notre héroïne. Comment tout cela va-t-il finir, tellement de possibilités…
En résumé, c'est toujours aussi bon et on en redemande.
Merci Catherine !!
J'ai été un peu déstabilisée dans ce septième volet de la Saga d'Aila, mais on apprend bien des choses aussi sur les personnages de sa famille qu'elle a oubliés et on attend la suite avec toujours autant d'impatience !!!
L'auteur a encore de quoi nous surprendre et nous captiver !
On attend le Tome VIII maintenant !!!
Ce volume nous entraîne dans un monde parallèle où notre héroïne et sa famille doivent s'entraider pour progresser. Finalement, c'est un peu comme un escape game dans son fauteuil ! J'ai dévoré… et je conseille vivement.
Sur AmazonComme un escape game avec des possibilités incroyables, des vies parallèles, des choix où chacun doit décider de ce qu'il sera ou seront ses compagnons…
Ce roman est à mon sens une analyse des sentiments et des réactions possibles, un voyage dans l'humain et dans ses débats intérieurs.
J'attends donc le tome 8 !!!
Aila s’étendit sur son lit, derrière son paravent, dans la pénombre. Elle avait besoin de solitude et de calme pour trier les pensées qui se bousculaient dans sa tête. Trop de changements venaient de se produire dans sa vie et elle, qui croyait avoir réussi à tout gérer, se retrouvait en fait dépassée par ces événements qui se succédaient trop vite. Elle était trop lucide pour ignorer que d’autres secrets gravitaient autour d’elle : l’attitude de Barou, par exemple. Sa mère semblait en connaître la raison, puisque sa lettre l’invitait à en découvrir l’explication dans le passé de son ancien père, si jamais un jour elle souhaitait lui pardonner. Qui d’autres pouvait le savoir ? Bonneau ? Il était son frère après tout, ils avaient donc partagé leur enfance, mais peut-être la cause était-elle postérieure à leur séparation ? D’ailleurs pourquoi Bonneau était-il devenu maître d’armes, alors que Barou restait fermier ? En fait, en était-il vraiment un ? Et puis lequel des deux était le plus âgé ? Bonneau probablement… Et de combien ? Et qui étaient leurs grands-parents ? Elle savait sa mère fille de châtelain, mais où ? Peut-être un jour l’occasion se présenterait-elle de retourner vers ses racines de ce côté-là… L’avantage d’avoir ses deux « pères » descendant des mêmes parents lui simplifierait la vie et lui épargnerait une double recherche. Les questions se multipliaient dans sa tête et, pourtant, perdant peu à peu leur contrôle, elle s’endormit. Il lui sembla avoir à peine fermé les yeux qu’un appel lui vrilla les tympans :
— Aila, es-tu là ?
La voix d’Hamelin la sortit brutalement de sa torpeur et elle lui répondit qu’elle arrivait.
— Suis-moi, lui dit-il, il faut que nous parlions.
— Quelle heure est-il ? Je n’ai pas mangé.
— Tu prendras un en-cas en passant par les cuisines si tu en as envie, mais ce que je dois t’annoncer s’avère d’une importance primordiale.
Dans l’attitude du mage, Aila nota une fébrilité qui détonnait chez cet homme si placide… Elle se laissa guider, piochant pain et fromage au passage sur les tables garnies de mets et grignota tout en grimpant jusqu’à l’antre d’Hamelin.
— Installe-toi, lui dit-il, désignant une chaise.
Elle obtempéra, ses victuailles dans une assiette à ses côtés. Hamelin ayant disparu dans sa bibliothèque, elle estima qu’il se trouvait près des livres interdits. Bientôt, elle le vit revenir avec deux petits ouvrages, tandis qu’elle se rassasiait.
— Tu connais notre histoire, Aila. Notre pays est celui des fées, mais les gens ne leur accordent plus aucun crédit, elles ont déserté leurs pensées et leurs songes. Si je pouvais partager avec eux ce que je sais, ils ne douteraient plus… Cependant, je n’en ai pas le droit, je suis tenu au secret par un serment éternel. Heureusement, toi, tu te fies à elles, comme moi…
Elle se sentit très mal tout à coup. Elle n’avait jamais souhaité mentir à Hamelin, elle avait juste cessé de remettre en cause ses croyances qu’elle estimait farfelues, pour ne pas le froisser… Elle chercha à rectifier le tir :
— Hamelin, il me paraît délicat, malgré tout, de croire en une légende. Après tout, je ne les ai jamais vues, ces fées, moi…
— Aila ! Ce n’est pas une légende ! Tu ne peux remettre en cause l’histoire de notre pays, même si elle remonte à des siècles auparavant ! Je comprends que tu puisses traverser des périodes d’hésitation, rien de plus légitime et, comme je ne peux te prouver leur existence, tu dois me croire sur parole ! Enfin, revenons à l’essentiel. Voici deux livres : ici, l’original, il n’en existe qu’un exemplaire, que mon maître mage m’a offert quand je le suis devenu à mon tour, et l’autre là, une pâle copie que j’ai réalisée.
Hamelin lui tendit le petit ouvrage, de la taille de sa main, avec une magnifique couverture : elle représentait un champ de fleurs rouges sous un ciel bleu d’été dans lequel le soleil resplendissait. Aila conçut l’idée saugrenue qu’une brise légère agitait les fleurs et qu’elle sentait leur doux parfum chatouiller ses narines… Dans un deuxième temps, elle découvrit le titre qu’elle n’avait pas remarqué de prime abord, en dépit de son talent de fine observatrice : « La magie des fées ». Elle ouvrit le livre avec précaution et, parcourant les pages, perçut cette sensation bizarre que les mots apparaissaient au fur et à mesure qu’elle les lisait et s’effaçaient dès qu’elle les avait survolés. Encore plus étrange, ces mots n’appartenaient pas à sa langue, mais à une autre, inconnue, et, pourtant, elle les déchiffrait sans problèmes… Hamelin, plein d’espoir, la dévorait des yeux :
— Est-ce que tu vois quelque chose ?
— Oui…, mais c’est indéfinissable, voire déconcertant…
— Maintenant, regarde le deuxième exemplaire.
Aila prit l’autre ouvrage à l’aspect classique, avec un titre inscrit sur la couverture, et les couleurs du dessin moins chatoyantes comme… moins vivantes, moins réelles. Elle ouvrit le livre et parcourut ses pages. Quant aux textes, écrits dans sa langue, elle leur donnait difficilement une interprétation, tandis que cela paraissait si limpide dans le premier…
— Tu comprends ce qui est rédigé ? questionna Hamelin, avec une pointe de curiosité.
— Moins bien, répondit Aila, fronçant les sourcils. C’est mon vocabulaire pourtant, mais le sens de ces mots qui se suivent m’échappe totalement.
— Alors que dans le premier, tu as tout assimilé ?
— Oui, tout me semblait plus clair, mais en même temps…
— C’est décidé ! Je te donne le premier livre, Aila.
La jeune fille releva la tête :
— Mais pourquoi Hamelin, il est à vous ! Et puis, voyager dans la sacoche d’un cheval abîmerait ce trop bel ouvrage !
Il soupira et plongea ses yeux dans les siens :
— La magie anime ce livre et non, ne hausse pas les épaules, tu l’as ressentie. Elle seule est responsable de tout ce que tu n’arrives pas à comprendre… Tu lis plus facilement un ouvrage dans une langue dont tu ignores tout, alors que tu déchiffres à peine celui écrit avec ton propre vocabulaire : c’est la magie. Tu vois le soleil poursuivre sa course dans le ciel et des nuages le voiler : c’est la magie, expliqua-t-il, en tendant son doigt vers la couverture.
Les yeux d’Aila suivirent l’index du mage et découvrirent quelques cumulus qui n’existaient pas auparavant. Hamelin continua :
— Tu distingues les herbes et les fleurs onduler sous l’effet d’une brise légère : c’est la magie. Tu sens des odeurs et tu ressens la caresse du vent : c’est la magie. Mais pas n’importe laquelle, celle des fées, dont ce livre t’ouvre les secrets. J’ai longtemps hésité avant de t’en parler, car tu as connu bien trop de chagrins et de bouleversements ; je ne voulais pas te rendre la vie plus compliquée qu’elle ne l’est déjà, mais là, tu vas partir et je m’aperçois que j’ai trop tardé. Tu devras apprendre seule…
Aila écarquilla les yeux, puis secoua la tête. Heureusement que sa sieste l’avait remise d’aplomb, sinon elle aurait explosé… Son cerveau refusait d’intégrer cette nouveauté et elle ne savait plus quoi répondre au mage, sans le blesser, tant les objections se bousculaient dans son esprit :
— Mais, voyons Hamelin, la magie n’existe plus. Rien autour de nous ne la reflète et plus personne ne la pratique…
Il la coupa une nouvelle fois :
— Tu crois ? Vraiment ?…
Et dans ses mains, il fit naître une fleur qui s’épanouit en une poignée de secondes avant de disparaître. Aila, les yeux rivés sur les doigts d’Hamelin, la distinguait encore… Elle resta bouche bée.
— Alors, elle…, elle existe réellement…
Le mage approuva d’un signe de tête.
— Mais pourquoi rien autour de nous ne semble magique ?
— Quand les fées sont devenues invisibles, leur magie a subi le même sort, elle aussi.
— Mais vous êtes visible et vous la connaissez, alors pourquoi ?
— Mon statut de mage me confère ce pouvoir, mais je ne peux l’employer de façon manifeste.
— Allons donc ! Conclusion, moi je suis une fée et j’ai le droit de l’utiliser !
— Pas tout à fait, mais presque…
Aila accusa le coup et creusa la question :
— Pas tout à fait une fée ou pas tout à fait le droit de l’utiliser ?
— D’après mes recherches, probablement seuls les descendants d’Eery et Amien détiennent ce pouvoir.
— Qui c’est ceux-là encore ?
— La seule fée et l’unique homme qui ont partagé un amour charnel ! Aila, tu connais leur histoire, tu l’as déjà lue et relue.
Elle hocha la tête, signifiant qu’effectivement elle s’en souvenait.
— Oh ! Hamelin, voyons ! Ce n’était qu’un conte pour enfants ! Ne me dites pas que je pourrais descendre de personnages légendaires ! Par les fées, j’en perds la raison…
— Aila, je sais que je te demande beaucoup… Je ne dispose que d’un temps restreint pour te convaincre et te montrer comment faire, mais il faut essayer ! Je…
— Non !
La réponse d’Aila claqua comme un coup de fouet, coupant le mage.
— Non, Hamelin, là, je ne vous suis pas. Écoutez, je m’en vais. Ne le prenez pas mal, mais un grand bol d’air frais me paraît indispensable pour remettre les pieds sur terre !
— Garde le livre, au moins, soupira-t-il, presque suppliant.
Il le lui tendit, mais elle le repoussa avec fermeté.
— Non plus ! Je vous le laisse, il est à vous.
Tournant les talons, elle sortit, renonçant in extremis à claquer la porte… Sans réfléchir, elle se dirigea vers la maison qu’elle partageait avec Bonneau, s’allongea sur son lit, espérant s’endormir vite fait et tout oublier sur-le-champ, mais le sommeil ne vint pas tant des milliers de nouvelles questions l’assaillaient. Tout d’un coup, elle se redressa si vite qu’elle en ressentit un haut de cœur. Par les fées, si elle pouvait être la descendante d’un couple mi-homme mi-fée, Aubin aussi ! Peut-être serait-il plus réceptif à ces histoires abracadabrantes… Pour elle, c’était hors de propos ! Elle venait d’acquérir le statut de combattante, alors une magicienne, pas question, et encore moins une fée, si c’était jamais possible !
— Aila, es-tu là ?
Mais qu’avaient donc tous ces gens à lui courir après aujourd’hui ? D’un bond, elle se leva pour ouvrir la porte :
— Oui, Pardon. Que désires-tu ?
— Les représentants de la famille du roi nous convoquent pour nous annoncer le programme des réjouissances.
— Quand ?
— Demain matin, à la deuxième cloche, dans la salle du conseil, et ils m’ont prié de te prévenir maintenant.
— Je te remercie.
— Tu veux nous rejoindre ? Nous fêtons notre réussite avec les copains ce soir.
— C’est gentil, mais je pense que je vais m’entraîner.
— Au kenda ? l’interrompit Pardon, fortement intéressé.
— Oui, probablement.
— Je peux venir ?
Elle sourit au jeune homme dont le regard, plein d’enthousiasme, brillait d’envie. C’est avec regret qu’elle lui répondit :
— Non, Pardon, pas maintenant. J’éprouve un vrai besoin de solitude, pour encore plus de raisons que tu ne peux t’imaginer, mais, si demain nous disposons de temps, c’est promis, je m’exercerai avec toi.
Sur le moment, Pardon eut l’air très déçu, puis il se remit à sourire.
— D’accord, je comprends, mais demain, sans faute ?
— S’ils nous en laissent l’occasion, oui.
— Bien. Je pourrais amener Adam ? Il a vraiment envie que tu lui apprennes à combattre avec un kenda.
— Et c’est tout ? ajouta-t-elle pour plaisanter.
— Ben non, les autres membres de l’équipe aimeraient bien aussi, mais je ne veux pas t’imposer tout le monde.
Elle tomba des nues, ils désiraient tous venir ! Elle réfléchit :
— Si nous sommes tous présents, à cinq combattants, nous pourrons constituer deux paires que je pourrai superviser, oui, c’est envisageable.
— Alors, t’es d’accord ?
Elle adhéra à la proposition.
— Bien ! Je file prévenir les autres ! Merci, Aila, à demain !
Elle le regarda partir en courant, ponctuant son avancée de grands bonds de joie. Elle se mit à rire doucement, puis, récupérant son kenda dans la maison, elle se dirigea vers le manège pour s’entraîner, sans oublier un petit câlin pour Lumière en passant.