Quand le gardien de la porte des temps sonne l’alerte, Kerryen, roi du Guerek, débarque avec ses soldats pour découvrir un être recroquevillé sur lui-même, une femme, dont il se désintéresse aussitôt, au grand désarroi de sa tante, Inou, qui l’a élevé à la mort de sa mère. Désespérée par l’attitude de son neveu, celle-ci choisit un garde, Amaury, pour l’aider à s’occuper de cette invitée inattendue dont la peau porte de nombreuses meurtrissures.
Préoccupé par le désir de conquête d’un empereur noir qui descend du nord, Kerryen écrit aux souverains des pays voisins avec lesquels il devrait s’unir pour contrer la menace : Pagok du Pergun, Péredur du Kerdal, Eddar de l’Entik, Gardj de Brucie. Il rejette toutes les affirmations d’Inou sur l’importance de cette femme dans ce futur combat.
Bien décidée à prouver à Kerryen son erreur de jugement, Inou entreprend de réveiller sa protégée de son actuelle léthargie. Malheureusement, si de légers réflexes semblent réapparaître, l’esprit de celle-ci demeure absent. Pourtant, elle échappe une première fois à la vigilance d’Amaury qui la retrouve en tête à tête avec l’infernal étalon du roi, Ardan, puis à Inou. Alors, une nuit, elle retourne prendre un kenda d’Avotour fixé sur un mur, puis refuse de s’en séparer.
Sous l’impulsion d’Inou, Amaury choisit de l’emmener en ville. Profitant de l’aide de Mira, l’assistante d’Inou, il troque la tenue de la femme pour une autre plus masculine. Cependant, énervé par son manque de réactivité, il tente de lui arracher son bâton. Aussitôt, elle le met à terre. Surpris sur le moment, le garde décide de développer cette ébauche d’autonomie.
Rendant visite à son neveu, Inou découvre dans un courrier que Kerryen a vendu leur invitée pour appâter Eddar. Furieuse, elle part immédiatement chez Mukin, le sage, en compagnie d’Amaury et de sa protégée, confiant à celle-ci comme une ultime vengeance, Ardan.
Mukin s’intéresse à la femme qu’il baptise Ellah en raison de la légende d’Ellah Leiring. La nuit venue, certain qu’elle renaît grâce à l’affection de ceux qui l’entourent, il partage son esprit avec elle, puis entraîne ses compagnons dans la montagne. Devant leurs yeux, un lien inédit se crée entre Ellah et un énorme chien blanc sauvage. Face à tous les bouleversements de sa vie, Inou résiste difficilement. Au matin, le groupe s’ébranle pour rejoindre la maison de Béa, la plus ancienne amie d’Inou. De là, ils décident une visite chez Tournel pour obtenir de lui d’éventuels renseignements sur le fonctionnement de la porte.
Quand un messager leur apprend que la menace est arrivée à proximité de leurs frontières, ils reviennent chez Béa pour y découvrir Kerryen, accompagné de sa demi-sœur, Adélie. Celui-ci en profite pour reprendre Ardan au grand désespoir de la femme, puis identifie entre ses mains un kenda de sa collection. Après un affrontement bref, Ellah défait le garde chargé de le récupérer, puis le confie à Amaury qui le rend à son roi. Alors que Kerryen s’apprête à repartir avec son arme, Ellah la rappelle à elle. Puisqu’elle souhaite la conserver, le souverain lui ordonne d’intégrer sa garnison. Tournel qui a assisté de loin à l’altercation offre à Ellah la traduction d’un précieux parchemin à propos de la porte.
Revenue à Orkys, alors qu’elle surveille la cour remplie de futurs combats, ouvriers, artisans ou paysans, Ellah remarque un jeune garçon qui veut s’enrôler, Raustic. Réalisant que tous ces hommes vont mourir pour rien, elle débarque dans le bureau de Kerryen pour lui suggérer mettre à profit les talents de chacun et, ainsi, éviter leur disparition inutile, mais celui-ci la chasse sans même l’écouter. En dernier recours, elle sollicite l’aide Mukin pour amener le roi à reconnaître la pertinence de ses idées.
Pour avoir désobéi au chef des gardes, Ellah est emprisonnée avec Raustic. Le lendemain matin, quand Kerryen l’apprend, il fait aussitôt libérer les deux captifs. Alors qu’Ellah retourne dans la cour, Amaury la rejoint et lui transmet un message de Mukin. Au même instant, son esprit discerne une grave explosion et, incapable de résister, emprunte Ardan une nouvelle fois. Après avoir prévenu Inou, Amaury se précipite pour la seconder. Croisant sa tante et Béa, Kerryen, frappé par leur attitude comploteuse, se décide à les précéder et se rend chez Mukin par un autre chemin.
Parvenu chez Mukin, le souverain accompagne Ellah et Amaury pour dégager un accès vers la salle effondrée dans laquelle gît le corps du sage. Sans bien savoir comment, Ellah le sauve. Dans le fond de la maison, une étrange ouverture mène par un escalier vers quelques geôles. Dans l’armoire d’une pièce adjacente, elle tombe sur quatre livres dont le premier, un carnet, possède un titre qui la surprend : « Les Portes d’Antan ». En raison de la présence du roi derrière elle, elle ne peut les consulter, mais arrive à subtiliser ce dernier. Alors que Mukin explique les raisons de l’explosion, des expériences sur une substance noire rapportée de ses lointains voyages, Kerryen y voit immédiatement une extraordinaire opportunité pour repousser leurs ennemis.
Malgré ses efforts pour exister, Ellah peine à retrouver ses marques dans ce monde qu’elle redécouvre, de plus en plus sensible à son absence de passé, à son corps meurtri et à son incapacité à envisager un futur, sans parler des informations qui surgissent dans son esprit sans contrôle. Dans la garnison, son intégration dérange et les coups tordus se multiplient.
Au grand désarroi de Kerryen, Allora rejoint Orkys et se révèle d’une aide précieuse dans la planification des défenses du Guerek, tandis que le souverain précise pièges et innovations. Puis, au cours d’un combat dans la cour de la forteresse contre Mukin, Ellah démontre son exceptionnel potentiel, sous le regard admiratif d’Adélie. Observateur lointain, Kerryen la déteste encore plus.
Lors d’une visite à Adélie, la jeune fille parle à Ellah de la magie, mais cette dernière ne sait comment réagir, surtout qu’elle ne maîtrise rien, ni les souvenirs étranges qui reviennent à elle sans choix conscient ni les picotements qu’elle ressent dans les doigts. Préoccupée par son propre sort, elle ne cherche pas à approfondir les mystères qu’elle perçoit dans les propos d’Adélie. Pendant la nuit, elle se rend au col de Brume pour rencontrer Tournel. Une fois, là-bas, l’homme lui explique que le livret qu’elle détient comporte plusieurs langages et qu’il a constaté l’insuffisance de ses connaissances pour le traduire. Cependant, il lui transmet l’original d’un parchemin qu’elle arrive à lire. Son contenu renforce sa décision de retourner à la porte.
Blessée dans un accident, Allora est ramenée au château. Énervée par l’insensibilité de son neveu, Inou reproche vertement à celui-ci sa muflerie. Hanté par les paroles de sa tante, le roi demande Allora en mariage.
Quand Ellah et Amaury atteignent le col, ils apprennent que Kerryen et son escorte sont partis un peu plus tôt vers le Pergun. Alors que les images se précipitent dans la tête de la combattante, celle-ci comprend que l’empereur a envoyé quelques éclaireurs qui ne feront qu’une bouchée de la troupe. Saisissant l’imminence de la menace, elle délègue à Amaury le soin d’aller prévenir la forteresse et dévale la pente. Si elle n’arrive pas à temps pour sauver les gardes, elle se bat aux côtés de Kerryen, soutenue par son chien blanc et l’étalon, puis se débarrasse de l’ultime soldat de Tancral. Dévastée d’avoir tué deux hommes, elle se maudit et ne résiste qu’en raison de la présence de ses animaux, comme de son kenda.
Au pied des fortifications, elle quitte Kerryen pour étudier le marais, puis lui apprend un peu plus tard que leurs ennemis attaqueront le lendemain et que, comme elle, les assaillants voient la nuit. De nouveau à Orkys, elle rejoint la porte qui lui ouvre une petite part de son mystère. Quand Ellah se réveille après un étrange voyage, elle comprend qu’elle ne la franchira plus jamais, refusant de revivre une nouvelle fois une telle épreuve. Alors qu’elle revient, se méprenant sur ses intentions, Amaury l’embrasse et lui propose de l’épouser pour l’empêcher de partir avant de s’apercevoir de l’excès de son comportement. Ellah lui demande de garder son chien, puis retourne au col.
Quand la marée humaine annoncée par Ellah devient visible, Béa, pressée par le temps, déclare sa flamme à Tournel.
Alors que quelques heures précèdent encore l’attaque, le regard d’Ellah erre sur le marais ; elle a oublié l’essentiel. Avec trois compagnons, Raustic, Greck et Jiffeu, elle y descend pour y installer un dernier piège.
Alors que la confrontation avec leurs ennemis débute, un souvenir surgit dans l’esprit d’Ellah. Abattant deux soldats, relais de Césarus, le combat cesse. Ellah sauve Mukin une seconde fois, puis découvre un instant plus tard la mort de son chien qui s’est échappé de la forteresse. Ébranlée par cette perte, elle s’engage dans une mission suicide avant que Césarus ne reprenne la main sur ses guerriers. Accompagnée de Kerryen, elle repart devant la muraille pour faire exploser les barils de poudre. Si le roi retourne derrière la protection temporaire des remparts, Ellah renonce à y rentrer. Cependant, un clapotis étrange la surprend : les hommes de l’empereur traversent le marais. Et une idée jaillit dans sa tête. Bientôt, grâce aux tirs enflammés des archers de Kerryen unis au sien, la totalité de la tourbière s’embrase, brûlant vifs tous les soldats présents. L’armée de Césarus est détournée ; le Guerek a triomphé.
Sans son chien, Ellah ne souhaite plus vivre. Décidant de rendre son kenda à Kerryen, elle rejoint celui-ci dans son bureau et, à la suite d’une discussion animée, escalade la balustrade qui domine la mer Eimée, déterminée à se jeter dans le vide. Mais Kerryen l’empêche de sauter et la ramène dans sa chambre. Ils finissent la nuit ensemble avant de se souvenir que le roi est engagé avec Allora. Pour cet homme, Ellah se donne un sursis, mais, elle n’a pas changé d’avis, la mort l’attend.
Quand Allora de Srill, auprès de qui il s’était engagé, l’a relevé de sa promesse, Kerryen a épousé Ellah. De leur union est née une petite fille, Amylis, et la famille vit heureuse dans la forteresse d’Orkys, capitale du Guerek ou presque… En effet, de son actuelle histoire, Ellah a conservé une grande vulnérabilité à laquelle elle résiste grâce à la présence de Kerryen et de son bébé. Sur le point de fêter le premier anniversaire de la victoire sur Césarus, le château se prépare à accueillir des visiteurs, des proches comme des curieux. De façon contradictoire, Allora annonce son départ du Guerek à Ellah, lui expliquant qu’elle a renoncé à Kerryen, alors qu’elle l’aimait, en raison des sentiments qu’elle avait devinés entre eux.
De son côté, Adélie qui n’a jamais cessé de vouer à la porte une vénération, ce matin-là, se rend devant elle, bercée par une magie conciliante. Parallèlement à un bruit sourd extérieur, un changement d’éclairage la dérange, puis trois silhouettes se dessinent dans la lumière. Les nouveaux arrivants, Pardon et ses enfants, espérant tomber sur Aila, sont déstabilisés par cet accueil imprévu associé à la différence de langage que Tristan ne parvient pas à corriger. La cloche d’alerte sonnée, Kerryen débarque l’épée au poing, bientôt suivi d’Ellah et d’Amaury. Reconnue par les visiteurs, la reine se décompose, tandis que Pardon ne désire plus que repasser la porte pour mettre fin au cauchemar de voir sa femme avec un autre homme.
Dans une pièce plus confortable d’Orkys, la discussion entre les nouveaux venus et Ellah ne se révèle pas pour autant plus facile, principalement en raison du silence de Pardon, dévasté, et celui habituel de Tristan. Ellah leur apprend qu’elle est arrivée presque deux ans plus tôt elle ne se souvient plus de rien. Par politesse, elle les invite cependant à rester aussi longtemps qu’ils le souhaitent. Alors que Pardon désire uniquement fuir cet endroit, Naaly obtient un délai pour renouer avec sa mère. Montant dans les étages, elle la retrouve dans sa chambre et se découvre une petite sœur, Amy ou plutôt Amylis.
Pendant ce temps, perturbé par les propos échangés, Tristan se promène dans la forteresse, se posant des questions auxquelles personne d’autre que lui ne semble songer. Où sont-ils et quand ? Avant de rejoindre son père, Naaly redescend dans les sous-sols et observe quelques mouvements de troupes souterrains. Le trio réuni, ses membres envisagent de repasser la porte, mais Ellah les invite à fêter avec eux le premier anniversaire de la victoire du Guerek, permettant du même coup à Tristan d’associer les pièces ; il comprend qu’ils ont atterri dans la forteresse du Guerek qu’ils ont connue en ruines, le jour même où celle-ci a été attaquée. Pressé par l’urgence, grâce au retour d’un léger contrôle de la magie, il parvient à partager les pensées, contournant la barrière de la langue. Ainsi, Kerryen apprend que sa cité sera totalement détruite et que son roi finira les os brisés. Cependant, Tristan leur explique que le passé précédent peut avoir été modifié par la venue d’Ellah et, que le déroulement des événements actuels peut différer du premier. Au même moment, Naaly parle des mouvements observés dans les sous-sols et l’alerte est donnée : le château est attaqué par l’intérieur, mais aussi par l’extérieur. Pardon et Naaly accompagnent Kerryen pour défendre le lieu, tandis qu’Ellah met Amy à l’abri. Quand Inou réalise l’absence d’Adélie, Tristan se propose de partir la rechercher. Sa fille en sécurité, la reine rejoint les combattants dans la cour. Malheureusement, la forteresse apparaît perdue. Organisant la fuite du personnel par le souterrain, les yeux d’Adélie se posent sur Pardon qui a généré chez elle des sentiments inédits, pendant que ce dernier, définitivement éprouvé, découvre le bébé du couple. Alors qu’ils atteignent la salle de la porte, Kerryen annonce à Ellah qu’elle doit suivre son ancienne famille en raison du pacte qui l’oblige à respecter un vœu unique de sa part. Malgré sa colère, elle ne peut refuser et, sa fille dans le bras, passe les ondes avec Pardon et ses enfants. Dès cet instant, Kerryen ordonne à ses hommes de la détruire.
Impatiente de lire la suite, même si un peu « noir ». Pourvu qu'elle s'en sorte bien ainsi que sa famille
Sur AmazonDe la noirceur !?… Moi, j'y ai vu beaucoup de verdure…😁
Une fin… Haletante, je n'ai repris mon souffle qu'à la dernière page… Avec toujours ce même résultat, La Suite !!!!
Toutes les émotions y passent, de la frustration, de la colère, de la peur, de l'amour… Que ça soit pour nos héros ou pour nous lecteurs…
Un volume différent… Décidément, rien ne sera épargné à notre héroïne. Comment tout cela va-t-il finir, tellement de possibilités…
En résumé, c'est toujours aussi bon et on en redemande.
Merci Catherine !!
J'ai été un peu déstabilisée dans ce septième volet de la Saga d'Aila, mais on apprend bien des choses aussi sur les personnages de sa famille qu'elle a oubliés et on attend la suite avec toujours autant d'impatience !!!
L'auteur a encore de quoi nous surprendre et nous captiver !
On attend le Tome VIII maintenant !!!
Ce volume nous entraîne dans un monde parallèle où notre héroïne et sa famille doivent s'entraider pour progresser. Finalement, c'est un peu comme un escape game dans son fauteuil ! J'ai dévoré… et je conseille vivement.
Sur AmazonComme un escape game avec des possibilités incroyables, des vies parallèles, des choix où chacun doit décider de ce qu'il sera ou seront ses compagnons…
Ce roman est à mon sens une analyse des sentiments et des réactions possibles, un voyage dans l'humain et dans ses débats intérieurs.
J'attends donc le tome 8 !!!
Pour une fois, Aila n’attendit pas le petit déjeuner. De toute façon, Lomaï dormait encore et Élina n’allait sûrement pas venir la réveiller si tôt. Le Canubre avait fait son effet et elle se sentait parfaitement bien. Maintenant qu’elle avait conscience de ses nouveaux dons, elle réalisa qu’elle devait également apprendre la patience avant de les découvrir lors de situations périlleuses… Alors qu’elle passait dans les couloirs, puis par la cuisine du château, elle fut sidérée par les « dame Aila » par ci et par là, égrenés par tous les serviteurs qu’elle croisa, le tout accompagné de révérences ! Elle avait presque oublié son statut de promise d’Hubert… Après un détour pour saluer Lumière, elle rejoignit le manège, heureuse de la solitude et de pouvoir libérer l’énergie qu’elle sentait bouillonner en elle. Elle débuta par des échauffements simples avant de travailler sur des enchaînements au kenda plus complexes, qu’elle n’avait pas pratiqués depuis des mois. Certains d’entre eux lui avaient toujours donné du fil à retordre, alors elle se força à les reprendre encore et encore jusqu’à ce qu’elle eût acquis la fluidité espérée. Ensuite, elle multiplia les combinaisons. Elle courait, bondissait, plongeait, tournait et recommençait, accélérant l’allure, augmentant l’amplitude des mouvements. Elle réfléchissait à créer d’autres exercices quand la deuxième cloche sonna. Elle décida alors que, Lomaï devant être réveillée, elle pouvait rentrer se changer. Ce fut à ce moment qu’elle découvrit Hector, assis dans un recoin, qui l’observait avec attention.
— Je ne vous le répéterai jamais assez, vous êtes fabuleuse…
— Je vous remercie, sire Hector. Que faites-vous ici ?
— Il est énoncé que les portes de la vie sont ouvertes à ceux qui n’attendent pas le soleil pour se lever.
— Et ceux qui l’affirment ont bien raison.
Ils rirent de bon cœur.
— Vous n’êtes pas la promise d’Hubert, n’est-ce pas ?
Aila ne voulut pas mentir à cet homme qu’elle appréciait particulièrement.
— Si, jusqu’à ce que vous partiez. Ensuite, je serai probablement répudiée.
— Il ne vous plaît pas ?
— Je crois que c’est plutôt moi qui aurais une fâcheuse tendance à le faire sortir de ses gonds !
— Hubert ? Je voudrais bien voir cela ! Dommage… Vous formiez un si beau couple sur la piste de danse hier soir et, moi, j’aurais rêvé de prendre sa place dans vos bras…
— Mais vous l’avez été !
— Oui, mais vous n’avez pas posé le même regard sur moi…
— Vous vous trompez, sire Hector. Je n’étais qu’une fausse princesse l’espace d’une soirée et un peu d’excitation rendait mes yeux brillants à l’ouverture du bal…
— En êtes-vous bien certaine ?
— Oui, certaine. Je me suis déjà fait happer une fois par les illusions de ces soirées où la tête vous tourne et où vous ne savez plus vraiment qui vous êtes et ce que vous faites… Vous croyez donner ou prendre un cœur un soir et, le lendemain, il a déjà fondu au soleil ! Ces histoires-là ne sont pas pour moi. Je suis une combattante.
— Même les guerrières ont besoin d’amour…
— Je me suis bien passée de celui de mon père jusqu’à présent. Je saurai renoncer à celui d’un homme.
— Mais ce n’est pas la même chose, Aila ! Peut-être, un jour, souhaiterez-vous fonder une famille et élever des enfants ? D’autres combattants se sont rangés pour devenir de parfaits époux… ou épouses. Il ne sera jamais trop tard pour changer d’avis…
Elle haussa les épaules.
— Peut-être, mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
— Et pourtant, son baiser vous a plu…
Elle ne put s’empêcher de maudire Hector, tandis qu’elle sentait ses oreilles s’échauffer :
— Bien sûr ! Mais comme je vous le disais, ces soirées peuvent vous tourner la tête l’espace d’un instant.
— Je vous aime bien et Hubert se comporte comme un imbécile en n’ayant pas deviné la femme que vous cachez…
— De toute façon, ceci ne changerait rien. Aujourd’hui, je ne suis que la fille d’un palefrenier depuis que j’ai perdu l’aura héroïque de mon père. Nul souverain ne se contente d’une fille de ferme pour épouse.
— Parce que pour vous la valeur d’une personne dépend de sa naissance !
— Non ! Mais son mariage avec un futur roi, oui !
— Juste. Vous pouvez rajouter cela à mes nombreux défauts, je suis un doux rêveur…
— Vous êtes surtout un charmant sire dont j’apprécie particulièrement la compagnie.
— Que voilà un compliment joliment tourné… J’en ai autant à votre service, gente damoiselle. Juste une dernière remarque, je connais bien Hubert et mon cœur est en peine de le voir barricader ses émotions et vivre aussi seul. Alors, si un jour l’envie vous prenait de le forcer à ouvrir les portes de son cœur, ne renoncez pas trop vite…
Elle hocha la tête sans répondre. Pour ne pas mettre fin aux illusions d’Hector, elle préféra ne pas lui dire que cette aventure ne la tentait pas.
— Et maintenant, que comptez-vous faire de votre matinée ? enchaîna-t-il.
— Je pars caresser Lumière, mon cheval.
— Une promenade à cheval ! Quelle brillante idée avant mon départ ! Je vais chercher Hubert, vous vous joignez à nous ?
Comment le lui refuser ? Décidément, cet homme était un manipulateur hors pair ! Sous ses dehors de naïveté profonde, il vous emmenait en douceur vers l’endroit où il voulait vous voir arriver et cela marchait. Pourquoi tenait-il tant à les forcer à se retrouver ensemble ?
— Avec plaisir. Je me change et vous rejoins ici dans un quart de cloche.
Elle se dépêcha d’effectuer l’aller-retour. Elle fut tentée de demander à Lomaï de se joindre à eux, mais elle se refusa à décevoir Hector. De toute façon, quoi qu’il eût prévu, ses bonnes intentions étaient vouées à l’échec.
Comme avec Henri et Éléonore, Hubert avait décidé de paraître charmant et sa conversation animée avec Hector ponctua la promenade. Ils étaient partis à l’ouest d’Avotour et Aila, reprenant son rôle de garde, se concentrait sur les nouveaux paysages qu’elle découvrait et sur un danger éventuel. Cependant, tout semblait étonnamment calme. Restant vigilante, elle entendait distraitement les propos échangés entre les deux cavaliers. Au départ, Hector avait bien essayé de la mêler à discussion, mais la concision des réponses d’Aila et sa mauvaise volonté évidente l’avaient finalement fait renoncer. Ils rebroussaient chemin quand elle se figea, arrêtant son cheval. Elle ferma les yeux pour écouter très loin en elle la voix qui résonnait : c’était celle d’un homme et il appelait à l’aide.
— Sires Hector et Hubert ! Je vous laisse, aucun danger ne vous guette sur le trajet du retour. Dites au roi Sérain que je serai de retour sans faute cet après-midi.
Le cheval d’Hector avait déjà fait demi-tour et trottait avec son cavalier vers elle.
— Que se passe-t-il ?
— J’ai perçu l’appel de détresse d’une personne et je dois la trouver.
— Si quelqu’un a besoin d’aide, je viens ! affirma Hector. Hubert, suivez-nous ! Nous allons accomplir notre bonne action quotidienne.
Le prince obtempéra, manifestement à contrecœur, mais lui non plus n’osa pas contrarier son second père.
— Par où devons-nous partir ? Je n’entends rien, s’enquit Hector.
Elle lança son esprit pour capter l’écho de la voix si faible et si lointaine.
— Par ici, dit-elle, en pénétrant dans le sous-bois.
Elle hésita souvent sur la route à prendre et ils changèrent de direction plusieurs fois, se heurtant à des obstacles naturels imprévus. Coincé par la présence de son second père, Hubert ne se hasarda pas à la moindre réflexion désagréable sur la conduite tortueuse des opérations dont elle fit preuve. Enfin, après un temps qui parut infiniment long, les appels d’une personne parvinrent à leurs oreilles. Ils provenaient d’une petite chaumière à l’orée du bois, dont la porte était grande ouverte. Entendant le bruit de chevaux, un homme en sortit et se dirigea vers eux en courant.
— Mes seigneurs ! Ma femme est en train d’accoucher et elle est au plus mal ! Allez chercher du secours ! Je vous en supplie !
Aila se pétrifia. Au visage du malheureux qui venait de surgir se superposa celui de l’aubergiste avec le même désarroi de perdre l’être aimé. Pourquoi s’attacher à quiconque si ce n’était que pour souffrir de sa disparition ? Descendant de cheval, elle saisit l’homme par les épaules, s’efforçant de canaliser l’attention de l’homme.
— Mon brave, je vais voir si je peux vous porter secours à votre femme. Quel est son prénom ?
— Nelle, elle s’appelle Nelle et je suis Perrain. Vous pouvez l’aider ?
— Je ne sais pas encore, mais je vais tenter tout mon possible.
Elle pénétra dans la chaumière, laissant les trois hommes dehors. Comme la terre desséchée qui entourait la maison, la pièce sombre et propre reflétait le dénuement du jeune couple. Un gémissement rappela Aila à sa tâche et elle s’approcha du lit, saisissant avec douceur la main en sueur qui agrippait le drap.
— Bonjour, Nelle, je m’appelle Aila et je suis venue pour vous aider.
Grimaçant, la femme alitée se remit à se plaindre, tandis que Perrain revenait à ses côtés.
— J’ai mal ! souffla-t-elle.
Aila projeta son esprit. En une poignée de secondes, elle analysa que le bébé s’était engagé en siège dans le bassin de la femme, mais qui, trop étroit, refusait le passage de sa tête, alors que ses pieds pointaient à l’extérieur. Nelle s’épuisait inutilement à pousser un bébé qui ne pouvait sortir et ce dernier souffrait un peu plus chaque minute. Aila sentit le désespoir l’envahir. En général, dans ces cas-là, c’était la mère ou l’enfant… Le souvenir d’un poulain mutilé pour sauver la vie de la jument lui revint en mémoire et elle en frémit d’horreur. Par les fées, là, ce n’étaient pas des chevaux ! La vie et le bonheur de trois êtres étaient en jeu : un père qui se tordait les mains, oscillant entre espoir et désespoir, et une mère et son enfant dont les souffrances devenaient insupportables. Elle devait trouver une solution et vite ! Mais laquelle ? Une idée folle naquit dans son esprit. Si elle cassait le bassin de la femme à l’endroit le plus étroit, les os s’ouvriraient et le bébé passerait… La douleur serait insoutenable pour sa mère, mais seulement de façon temporaire. Une fois l’enfant sorti, Aila n’aurait plus qu’à tout réparer.
— Mon brave, pouvez-vous aller chercher la ceinture accrochée à la selle de mon cheval ?
L’homme s’exécuta rapidement et revint accompagné d’Hector qui lui tendit la ceinture.
— Puis-je vous apporter mon aide ? lui demanda-t-il.
— Je ne sais pas encore. Ne vous éloignez pas et emmenez avec vous ce monsieur, j’ai besoin d’agir seule.
Elle prit une petite feuille qu’elle plaça dans la bouche de la femme.
— Mâchez-la lentement. Vous allez souffrir énormément, mais, après, votre bébé sera né et tout rentrera dans l’ordre. Êtes-vous prête ?
Trop affaiblie pour parler, Nelle acquiesça d’un léger signe de tête. Aila passa ses mains au-dessus du bassin, s’assurant que l’endroit le plus étroit présentait aussi le plus de fragilité. Elle inspira longuement, puis focalisa toutes les forces de son esprit pour le rompre. Cependant, l’os, plus solide que prévu, résista, tandis qu’elle s’acharnait, fermant son cœur aux hurlements de la femme. Par les fées, elle devait réussir ! Enfin, sous la pression du crâne de l’enfant, l’os fragilisé se brisa brusquement et Aila appela Hector. Elle appuya avec vigueur sur le ventre de la mère.
— Dégagez le bébé en le tirant doucement par le corps. Bien ! Attrapez la tête qui arrive en la soutenant. Bien ! Vérifiez que rien n’est enroulé autour de son cou ! hurla-t-elle, dominant les cris de Nelle.
Il obtempéra avec diligence et saisit délicatement le nouveau-né qui venait de paraître dans un silence terrifiant, la femme, submergée par l’onde de douleur, s’étant évanouie. Immédiatement, Aila s’attela à la réparation du bassin. Les os poussés par le nourrisson s’étaient écartés, meurtrissant les chairs au passage et provoquant une hémorragie qu’elle colmata partiellement pour se donner un peu de temps.
— Aila, le bébé, il ne crie pas, ça ne me semble pas normal, intervint Hector.
« Non, pas tout ensemble ! », gémit-elle intérieurement.
— Prenez en charge la femme, je m’occupe de l’enfant !
Elle l’installa sur ses genoux, cherchant le moyen le plus rapide de redémarrer sa respiration. Tout en concentrant son esprit sur ses poumons et son rythme cardiaque, elle le massait, lui parlait et, quand enfin il vagit, elle le rendit à Hector.
— Gardez-le bien au chaud ! lui dit-elle, alors qu’elle se tournait Nelle.
Malgré la fatigue qui l’envahissait, Aila ne flancha pas. Elle commença par replacer les os, prenant soin de ne pas aggraver la situation existante. Méthodiquement, elle répara la cassure, consciente de n’avoir aucun droit à l’erreur. Dans son intense concentration, elle n’entendit même pas Hector retourner dehors avec le bébé. Elle cicatrisa les chairs tuméfiées et peaufina l’étanchéité des vaisseaux sanguins, attendant la délivrance de Nelle. Heureusement, celle-ci ne tarda pas. D’un geste, elle contrôla le pouls de la femme et fut soulagée de constater qu’il était redevenu régulier. Une dernière vérification mentale sur l’état de Nelle et Aila, éreintée, s’écroula sur le tabouret au pied du lit. Alors qu’elle songeait au bonheur d’avoir sauvé une mère et son enfant, une idée la glaça soudainement : tous les efforts qu’elle venait de consacrer à deux êtres devaient avoir également épuisé les fées. Son cœur se serra. Une nouvelle fois, elle avait encore choisi l’intérêt d’un seul ! Elle ne serait donc jamais à la hauteur… Prise de vertige, elle ferma les paupières, retenant les larmes qui montaient. Perrain rentra à ce moment-là, tenant son bébé contre lui. Le silence persistant dans la maison lui avait fait craindre le pire et il avançait à petits pas, terrifié par ce qu’il risquait de découvrir. Aila rouvrit les yeux.
— Elle vit. Elle a perdu beaucoup de sang, ce qui l’a terriblement épuisée, mais elle a survécu. Le dernier danger qui la menace est l’infection. Je vous expliquerai comment l’éviter.
La joie qu’elle lut dans le regard de l’homme ne parvint pas à soulager son cœur. Était-ce une loi de la nature qui imposait de sacrifier une vie pour en sauver une autre ?
— Oh ! merci… C’est une fille, dit-il, en lui tendant le bébé avec un sourire.
Aila ne l’avait même pas réalisé quand elle l’avait réanimée. Perdue dans ses idées, elle caressa doucement la main de la nouveau-née.
— Elle est très mignonne et, maintenant, elle ira bien…
— Elle s’appelle Aila, ajouta Perrain, en la fixant.
La jeune femme posa son regard sur lui, interrogateur.
— Pour qu’elle se souvienne à jamais qu’elle vous doit la vie.
— Elle ne me doit rien, ni vous ni votre femme, d’ailleurs. Mettons que des fées bienveillantes ont dû passer par là…
C’était si vrai ! Mais combien cela leur avait-il coûté ? Combien de nouvelles fées reposeraient dans la grotte à cause d’elle et de son inconscience ? Les larmes lui brûlèrent à nouveau les yeux, mais elle les contint, un fragile sourire aux lèvres. L’homme s’approcha de son épouse qui n’avait pas encore repris connaissance et lui parla avec douceur. Étreinte par un sentiment aigu de culpabilité, Aila quitta la chaumière pour les laisser ensemble.
— Comment va la mère ? demanda Hector.
— Bien, mais elle a beaucoup souffert.
— Nous avons entendu… Le père a été très courageux, mais le pauvre a blêmi d’un coup quand le silence a succédé aux hurlements. Alors, comme vous n’appeliez pas, il a pris peur…
« Par les fées, je n’y ai pas pensé… », songea-t-elle. Encore une erreur, une de plus… Juste de quoi l’accabler davantage…
— Ma femme est réveillée. Elle désire vous parler, intervint une voix derrière elle.
Suivant Perrain, Aila retourna dans la chaumière et s’assit près de Nelle dont le visage conservait les marques de la souffrance passée.
— Je ne pensais pas que je survivrais, ni mon enfant, murmura la jeune mère, dans un souffle. Merci.
— Comme je l’ai dit à votre mari, remerciez les fées et leur magie, ajouta-t-elle, tandis que leurs mains s’étreignaient.
Quand elle quitta une nouvelle fois la maisonnette, Hector, berçant gentiment le bébé dans ses bras, discutait avec Perrain. À sa vue, il courut vers elle plus qu’il ne marcha.
— J’ai proposé à ce brave homme, étant donné que j’ai quasiment mis son bébé au monde, d’en faire ma seconde fille. Après mon cher Hubert, j’aurai une petite Aila ! N’est-ce pas magnifique ? C’est un signe des fées, j’en suis sûre ! expliqua Hector, rayonnant de fierté.
Intarissable, il exposa dans les détails ce qu’il avait planifié. La petite famille resterait ici jusqu’au complet rétablissement de la jeune maman et il allait dépêcher des gens à lui pour prendre soin d’eux. Et puis une fois tout le monde sur pied, ils déménageraient pour habiter en Hanau. Sa demeure conviendrait grandement pour accueillir toute cette petite famille. Et dorénavant, plus jamais elle ne serait vide ! Tout cela paraissait bien extravagant à Aila, mais, après tout, pourquoi pas ? D’un côté, une famille démunie qui venait de traverser de grandes épreuves et de l’autre, un homme bon qui avait tout à donner. Peut-être, sous ses dehors d’aventurier, plein d’entrain et d’assurance, la solitude pesait-elle plus dans sa vie qu’il ne le laissait penser… Aila observa Perrain qui les avait rejoints. Il semblait à la fois apaisé et perdu, hésitant à croire que tous ses malheurs étaient définitivement terminés. Une nouvelle idée explosa dans l’esprit d’Aila. Et si elle avait sauvé cette petite fille parce qu’elle était l’héritière ! Le cœur battant, elle se raccrocha à cette pensée, pressée d’en demander la confirmation aux fées. Un bruit de cavalcade leur fit tourner la tête. Avelin et Aubin arrivaient au trot.
— C’est toujours pareil ! On vous laisse cinq minutes et on vous retrouve encerclés par des bandits ou perdus au milieu de nulle part ! s’écria Avelin, moqueur. Savez-vous que tout le monde au château s’inquiète de votre absence ? La cinquième cloche a sonné depuis bien longtemps. J’ai demandé à Aubin de suivre vos traces et nous voilà…
Avelin s’inclina avec panache. Aila ne s’était pas aperçu de l’heure tardive et elle allait devoir faire face une nouvelle fois à ses responsabilités… Cependant, quand elle voulut parler, Hector la devança.
— Sérain pardonnera au vieil homme que je suis sa fantaisie et sa curiosité ! Tout est de ma faute et nous serions rentrés depuis longtemps si je n’avais pas eu envie de devenir grand-père ! Regardez, voici ma petite fille d’adoption ! C’est moi qui l’ai mise au monde et elle se prénomme Aila en l’honneur de celle qui a sauvé sa vie ainsi que celle de sa mère ! Elle est magnifique ! Allez, retournez vite rassurer le roi. Pendant que vous y serez, demandez à ce que l’on nous prépare une légère collation pour notre retour, car nous n’avons pas mangé depuis ce matin. Transmettez à mes gens que je ne partirai que demain à la première cloche et, pour terminer, faites envoyer un panier de nourriture bien garni pour cette petite famille !