Les légendes en Avotour racontent qu'hommes et fées vécurent en parfaite harmonie jusqu'au jour où un interdit absolu fut transgressé : l'amour entre un homme et une fée. Pour qu'un tel malheur ne se reproduise plus, les fées choisirent de disparaître aux yeux des hommes et c'est ainsi qu'aujourd'hui, en Avotour, plus personne ne croît aux fées ou presque…
Orpheline de mère, Aila a grandi élevée par son oncle Bonneau dans le comté d'Antan. De loin, enfermée dans l'incompréhension totale de ce père qui l'a reniée à sa naissance sans raison apparente, elle observe son père Barou Grand et son petit frère Aubin vivre ensemble. Et, pourtant, ce colosse est le plus grand héros du royaume. C'est lui qui, des années auparavant, a repoussé chez eux les Hagans, peuple frontalier, féroce et sanguinaire, qui venait piller et tuer.
Heureusement, la jeune fille n'est pas seule. La châtelaine d'Antan, Mélinda s'occupe d'elle comme de ses trois filles, lui offrant une présence féminine indispensable tandis que Hamelin, le mage du château, érudit et sage, lui enseigne tout ce qu'il sait. De plus, Aubin, bravant l'interdit parental, décide de se rapprocher d'elle dans le plus grand secret.
Alors qu'Aila devient adolescente, Bonneau décèle chez sa nièce une aptitude peu commune à se battre et décide de la former. Aujourd'hui, à seize ans, elle est devenue une exceptionnelle combattante, en particulier, lorsqu'elle manipule le kenda, un bâton de combat aux propriétés peu conventionnelles. Elle est l'élève qui ferait la fierté de Barou. Cependant, rien n'a changé et ce dernier persiste à l'ignorer.
Deux journées de deuil sont décrétées quand le roi Sérain d'Avotour perd sa femme et sa fille dans un attentat qui lui était destiné. À la suite de cet événement tragique, il décide de protéger ses trois fils en créant une garde rapprochée. Naturellement, il envoie chercher ces hommes parmi l'élite d'Avotour, c'est-à-dire dans le camp de formation de Barou Grand. C'est la chance que saisit Aila pour enfin prouver sa valeur. Malheureusement, Barou refuse sa participation. Alors, pour la première fois de sa vie, Aila s'oppose à lui et fait appel à une loi ancienne qui l'autorise à changer de père. Sa joie explose quand elle est sélectionnée, mais c'est aussi tout son monde qui bascule. Dorénavant, elle va quitter la sécurité d'Antan et son bonheur est teinté d'une légère appréhension.
Son départ proche perturbe plus que de raison Hamelin. Aila connaît depuis bien longtemps son intérêt pour les fées et l'a toujours considéré comme l'expression d'une forme de nostalgie chez un homme attaché de traditions ancestrales. Seulement, quand elle touche le petit livre aux paysages mouvants qu'il lui tend, elle se sent immédiatement happée dans un autre monde avant de briser la magie du moment. Hamelin est convaincu qu'Aila peut communiquer avec les fées tandis que la jeune fille refuse totalement d'envisager, même l'espace d'un instant, l'existence de telles créatures. Malgré tout, par affection pour le vieil homme, elle emporte le livre qu'elle fourre au fond de son sac, espérant ainsi l'oublier au plus vite.
La qualité de vie en Avotour s'est bien dégradée depuis quelques années. La misère y côtoie la disette. De plus, affaibli, le pays redevient la cible de nouvelles attaques haganes et l'objet de convoitise de contrées limitrophes soutenues par la traîtrise interne de certains comtés du royaume. C'est ainsi que les membres de la garde rapprochée se voient attribuer différentes missions en vue de confondre ceux dont la loyauté a failli.
Heureuse de partir avec le benjamin de la famille royale, Avelin, Aila déchante quand elle découvre que, en fin de compte, elle accompagnera l'héritier du trône, Hubert, aussi froid que rigide, dans une mission dans le comté d'Escarfe. Sa déception s'accroît quand elle apprend qu'elle sera présentée comme sa promise et qu'elle va devoir troquer sa tenue de combattante contre robes et frou-frou.
Tandis qu'Aila se prend finalement au jeu, des phénomènes bizarres apparaissent dans sa vie et la troublent. Comment se fait-il qu'elle pressente le danger ? Pourquoi son esprit devient-il capable de survoler l'espace qui l'entoure ?
Alors qu'un danger encore plus grand menace le royaume en la personne de Césarus, un empereur venu du nord qui détruit toute vie sur son passage, de nouvelles coalitions vont devoir naître pour contrer un oppresseur prêt à tout. Comment les ennemis d'aujourd'hui pourront-ils devenir les alliés demain ?
Aila et la Magie des Fées, un joli titre qui n'attirait pas spécialement ma curiosité… Si j'avais su un jour qu'un livre de fantasy allait me rendre autant adepte de la lecture, je ne l'aurais pas cru. On pourrait croire à un livre pour fillettes rêvant de magie et d'univers parallèles, pourtant je dirais que c'est un livre qui en passionnerait plus d'un, tous âges confondus. Un livre magnifiquement bien écrit, qui révèle des détails qu'on ne pourrait imaginer…
Je me lance… j'ouvre le livre, je commence à lire quelques pages, 13, 20, 35… je dévore toutes ces lignes à une vitesse folle. Et voilà maintenant que je le prends dans le bus le matin, à ma pause déjeuner, le soir pour rentrer, et juste avant de me coucher. Je tourne les pages plus vite que mon ombre et naît un sentiment d'impatience de connaître la suite.
Au fil de l'histoire, je me suis complètement identifiée à l'héroïne ; elle était moi et j'étais elle. C'est comme si nous ne faisions qu'un. Une sensation qui reflète ma façon d'agir, de penser, de vivre… une aventure que j'ai lue et surtout vécue intérieurement pendant mes quelques jours de lecture passionnée. Je le relirai encore avec plaisir et avec les mêmes sentiments que la première fois ! Un livre à l'avenir tout tracé que je conseillerai à tous mes proches !!!
Olala !!!!! Rien que le premier chapitre, et j'étais déjà accro !!! Ce qui est vraiment génial, c'est d'avoir pris plein de thèmes et histoires qui font partie de notre inconscient imaginaire et d'en avoir fait quelque chose de neuf ! Le tour de force de Catherine, c'est de parvenir à dévier ces éléments pour créer son propre monde et, ainsi, de générer un plaisir double pour le lecteur : celui de revivre un imaginaire de l'enfance dans un autre.
Tout est vraiment bien écrit et très fluide (et merci d'employer le subjonctif imparfait !!! J'adore ce temps qui ajoute un côté féerique et intemporel, justement typique du conte).
Aucune pesanteur, les personnages, leur origine, tout est bien posé en douceur et, pourtant, au milieu de péripéties palpitantes ! Le rythme est parfait ! C'est super bien ficelé, drôle, et, de plus, étonnamment d'actualité ! (toute la description d'Avotour, des problèmes causés par la misère, l'angoisse de ce qui va survenir…) Bref, je suis toujours aussi fan !!!
Eh bien, si je m'attendais un jour à donner mon avis sur un livre de fantasy, moi qui ne lis que des magazines d'économie, un ou deux ouvrages (sérieux) par an, et jamais de fantasy. J'ai été fortement incité à parcourir Aila et la Magie des Fées et je ne le regrette absolument pas. Une fois le prologue avalé, je pénètre dans un roman qui débute à la fois doucement (un environnement bien brossé, une fine description des personnages — aux caractères très affirmés — qui offrent tous un élément auquel s'attacher, une subtile entrée en matière des fées, imperceptiblement) et rapidement avec de l'action dès le premier chapitre — ça ne s'arrête plus jamais — et des dialogues d'une incroyable pétulance. Pas moyen de s'interrompre une fois qu'on a mis le doigt dans ce livre…
Il faut aussi que je vous précise qu'après cette lecture, je suis en mesure de vous affirmer que le titre « Aila et la Magie des Fées » est très réducteur, en effet, ce roman déborde d'éléments qui en font un excellent moment littéraire.
Catherine Boullery parvient à nous tenir en haleine tout au long de cette histoire, nous y passons d'aventures en aventures. Alia est non seulement une combattante hors paire et une jeune femme au caractère bien trempé, mais aussi une personne pleine de douceur, qui sans le savoir est avide d'amour et de romantisme. Bien sûr , il me faut aussi parler des fées et du coté magique de ce livre, qui y tient aussi une partie importante et qui fait le lien avec les deux tomes suivants.
Avec ce roman j'ai donc vécu des moments romanesque, fantastique, d'aventure, J'ai voyagé au sein d'une contrée imaginaire.
Je ne saurai donc que vous conseiller de découvrir les aventures d'Alia si vous êtes en quête de toutes ces choses.
« Aila et la Magie des Fées » est donc le premier tome d'une saga, qui je maintiens mon opinion, aurait mérité un titre un peu plus recherché.
Voilà ce qui se passe quand, en lisant un livre pour la seconde fois, je me sens une nouvelle fois littéralement happée par l'histoire : je me lâche ! Extrait : « Qu'est-ce qui m'a plu dans Aila et la Magie des Fées ? […] ce qui est intéressant, c'est que contrairement à d'habitude […], c'est une femme, Aila, qui reçoit toutes les caractéristiques des héros : combattante efficace, elle sait manier les armes, et peut se montrer fine stratège. Cela donne de la profondeur au personnage, et le roman a une coloration féministe en montrant comment une très jeune femme peut s'affirmer dans un monde d'hommes et instaurer un nouveau rapport à autrui. […] Autre chose : Aila est un personnage amusant et touchant, parce que contrairement à certains héros de fantasy, elle est un personnage inachevé : elle est encore en train de grandir, elle est souvent montrée en train d'apprendre à devenir une guerrière, on la voit même être très naïve, faire des erreurs importantes, et se méprendre sur les intentions d'autres personnages. C'est rassurant, ou réaliste, comme on veut, de découvrir un personnage qui n'est pas auréolé de toutes les perfections. […] on peut lire une réflexion sur le pouvoir et sur les modes de gouvernement. Ainsi, les actions humaines ont autant de place que la magie : Aila instille la volonté, chez les princes et les rois, de sortir de leur passivité, d'arrêter d'attendre une évolution extérieure, et de réfléchir par eux-mêmes à la manière de mieux gouverner leur pays et d'améliorer les conditions de vie de leur peuple. C'est surtout un roman sur la disparition de la magie […]. Or, cette magie ne peut disparaître, et cela nous est prouvé doublement : parce qu'elle aide à sauver le monde dans l'histoire racontée par le livre, mais aussi d'une autre manière : elle est peut-être fée, l'auteure de ce livre, car son livre agit sur le lecteur comme celui des fées sur Aila ; on se sent comme aspiré par une histoire qu'on ne veut plus quitter et qui s'offre très facilement à la lecture. Comment mieux affirmer que les livres et la lecture font ressusciter la magie et peuvent réenchanter notre monde ? »
Un monde féerique envoûtant, une histoire passionnante qui vous tient en haleine de la première jusqu'à la dernière ligne. On vit des émotions intenses avec Aila ! J'ai autant dévoré les livres de Boullery que ceux de Goodkind, Tolkien ou Martin. Lisez les trois premiers chapitres : vous ne pourrez plus vous arrêter !
Catherine Boullery réenchante la saga fantastique en trempant sa fine plume dans la clarté du conte. Les fluides aventures d'Aila sauront sans aucun doute poser leur charme puissant sur les enfants de 10 à 90 ans : un sort suffisamment puissant pour tenir en haleine au fil d'une histoire-fleuve.
J'ai eu le privilège de découvrir en avant-première les aventures d'Aila. Elles m'ont tenu en haleine pendant plusieurs jours, c'est ce genre de roman qu'on peine à refermer tard le soir, mais dont on essaie d'économiser certains chapitres pour le lendemain ! J'ai hâte de découvrir la suite et suis ravi d'apprendre que d'autres personnes découvriront cet univers vraiment particulier et attachant. Bonne lecture à tout le monde !
Je suis en train de relire Aila et la MAGIE est toujours là. C'est époustouflant, car je sais que, dans un an, dans dix ans, il y aura toujours cette magie que je me régalerai à redécouvrir. Ce livre enchanteur, envoûtant, fait partie de ceux qui me sont « intemporels » et dont le plaisir de la relecture reste toujours aussi fort : on s'attache à Aila, on se l'approprie, on vit sa vie au fil des mots, au fil des pages, on la voit grandir comme un enfant (on en est fière n'est-ce pas, Catherine ?) et on en redemande encore et encore. Et on se dit qu'on sera patiente comme jamais pour connaître la suite, mais surtout, surtout, ne jamais connaître sa fin !
Tous les ingrédients sont là : l'amour, l'amitié, la fidélité, le courage, l'aventure, l'espérance, les joies et les peines, le doute, l'angoisse, la violence, la mort… Exercice de très haute voltige. Je suis très touchée d'avoir eu le privilège de lire le 1er tome il y a un an et je n'ai plus qu'un mot à dire : longue vie à Aila.
Elle vérifia que Lumière s’était fondue dans l’ombre avant de s’approcher de l’habitation avec circonspection. Qu’est-ce qui l’attirait donc dans cette maison, modeste et de guingois, probablement constituée d’une grande pièce à peine meublée, d’une cheminée étroite dont l’âtre serait vide et d’une table sans nourriture ? Elle hésita à se manifester à la porte, puis choisit de frapper avant d’entrer sans attendre la réponse. Elle poussa doucement le battant, essayant d’habituer ses yeux à la pénombre. Elle détecta l’odeur d’une chandelle de suif que l’on venait d’éteindre, puis un mouvement à l’autre bout de la pièce.
— Je désirerais vous parler, expliqua-t-elle. Rallumez votre bougie, je ne vous veux aucun mal…
Un léger craquement se fit entendre et la lumière de la chandelle déploya sa lueur blafarde dans la maison. Devant elle, une jeune femme aux longs cheveux noirs, lisses et épais, juste vêtue d’une robe rapiécée de toute part, la dévisageait de ses yeux noirs et étirés.
— C’est vous qui avez tenté de tuer le roi ?
La jeune femme hocha la tête.
— Pourquoi ?
— Comment m’avez-vous trouvée ?
— Vous n’allez certainement pas me croire, votre maison m’a appelée et j’ai su que je devais y revenir… Je ne pourrais vous l’expliquer autrement.
— Qu’avez-vous l’intention de faire de moi ?
— Pour l’instant, rien, je veux juste comprendre.
— Alors, mettez-vous dans la tête que je recommencerai jusqu’à ce qu’il meure pour le mal qu’il a causé ! J’en ai prêté serment et je le respecterai !
— Prenez au moins la peine de m’expliquer à qui vous avez fait ce serment et pourquoi.
Les deux femmes restaient debout, se toisant l’une l’autre. Aila n’avait jamais rencontré une personne de son gabarit qui la surpassa, mais là, elle se doutait qu’elle n’aurait pas forcément le dessus dans un combat contre elle… Alors, autant essayer de l’éviter…
— Je m’appelle Lomaï. Ma mère, originaire de la Wallanie du Nord, y fut princesse avant de finir servante ici. Son histoire est celle d’une femme abusée, puis abandonnée.
— Où intervient le roi dans la vie de votre mère ?
— Je suis sa fille.
Un hoquet de surprise secoua Aila. Cela ne collait pas à l’image que Sérain lui donnait, mais, après tout, si les princes se comportaient comme des goujats, pourquoi pas leurs pères ?
— Est-ce votre mère qui vous l’a appris ?
— Oui, avant de mourir, et elle m’a fait jurer de la venger de l’affront commis par mon père envers elle et envers moi.
C’était quoi cette histoire incroyable qui semblait tout droit sortie d’un mauvais conte ? Aila se secoua. Pour le coup, les pièces de l’intrigue ne s’emboîtaient pas, mais alors pas du tout !
— Avez-vous supposé un instant que votre mère aurait pu vous mentir ?
— Non !
Mais la réponse fusa trop vite, comme préparée d’avance, et Aila sut que la jeune Wallane avait douté.
— Est-ce elle qui vous a enseigné l’art du combat ?
Lomaï opina brièvement.
— Et à vous servir d’une arbalète aussi ?
— Oui. Elle a été un excellent maître et une mère merveilleuse. Elle m’a élevée seule, se tuant à la tâche pour moi, jour après jour. Elle m’a toujours dit que je devais apprendre à me défendre contre les hommes, pour que je ne finisse pas comme elle…
— Je la comprends. Vous a-t-elle explicitement nommé le roi dont elle voulait se venger avant sa mort ?
— Elle parlait de Sérain !
— Lomaï, a-t-elle cité son nom ?
La jeune femme secoua la tête.
— Elle vous a confié son secret quand elle déclinait, n’est-ce pas ? Parce que vous l’exhortiez à vous révéler la vérité… Et elle vous a avoué, dans un dernier souffle, la responsabilité d’un souverain. Et comme vous n’en avez jamais vu d’autres que lui, vous vous êtes convaincue que la vengeance que vous deviez accomplir au nom de votre mère passait par ce crime.
Véhémente, Lomaï secouait la tête.
— Je n’ai pas pu me tromper. Elle parlait de lui !
— Vous ne connaissez que lui ! Que savez-vous de la Wallanie ?
— Rien. Mère ne s’exprimait plus sur ces histoires anciennes.
— Si elle avait aimé son pays, elle vous l’aurait raconté ! Elle cherchait peut-être à l’oublier parce que les souvenirs qu’elle en conservait lui rappelaient des temps pénibles…
Lomaï s’effondra.
— J’aurais tué le mauvais roi ! s’exclama-t-elle d’une voix blanche. Je me serais trompée de roi… Qu’ai-je fait ?
— Reste à s’assurer laquelle de nos histoires, la vôtre ou la mienne, est la bonne… Connaissez-vous d’autres exilés de Wallanie à Avotour ?
— Maman avait juste conservé un vieil ami qui tient un atelier de couture dans le centre-ville.
— Comme je vois votre sac empaqueté derrière le lit, prenez-le, nous y allons…
Lomaï afficha son premier sourire.
— Vous êtes sacrément observatrice…
Aila le lui rendit et sortit de la pièce. Elle appela Lumière, l’enfourcha et tendit la main à Lomaï pour l’installer en croupe. La jeune Wallane roula des yeux affolés.
— Je ne suis jamais montée à cheval !
— Quelle idée ! Vous volez au-dessus des toits, dominez les combats à mains nues, vous glissez dans un trou de souris et vous avez peur d’une grosse bête. Allons donc ! Grimpez et tenez ma taille bien serrée.
Peu rassurée, Lomaï s’exécuta.
— Au fait, je m’appelle Aila. Quel est le meilleur chemin pour regagner l’échoppe de l’ami de votre mère ?
Un petit geste de la main lui pointa la direction à suivre et elles remontèrent au pas vers le centre de la ville haute.
— C’est là, indiqua Lomaï, une fois qu’elles furent parvenues à destination.
— Allez-y, je vous attends.
— Vous ne venez pas avec moi ?
— Non, j’ai confiance, je sais que vous reviendrez…
Pour s’occuper, Aila observa les différentes boutiques de la rue, en repérant une qui vendait des armes aussi diverses que poussiéreuses. Le brave homme qui la tenait ne devait pas souvent nettoyer son étal et encore moins conclure d’affaires ! Par curiosité, elle entra dans l’échoppe et, fouillant par-ci, par-là, marqua sa surprise en dénichant un kenda crasseux :
— Alors ça ! dit-elle, en le prenant pour l’examiner.
— Je vois, je vois, vous aimez les bâtons. Celui-ci est ancien, très ancien. Il est très précieux et…
— … et surtout d’une saleté repoussante ! coupa-t-elle. Comment osez-vous vendre des produits dans un si piètre état ?
Le vieil homme se sentit vexé.
— Je vends des antiquités avec leur histoire, moi ! Mais s’il ne vous intéresse pas, vous pouvez le reposer et passer votre chemin.
— Je vous en donne dix arsequins.
— Quoi ! Mais il coûte au moins un sequin !
— Au prix de la crasse, peut-être, mais, moi, je n’achète que le bâton !
— Un demi-sequin ! Mon dernier prix !
— Quinze arsequins et il n’en vaut pas plus !
Devant le manque de réaction du marchand, Aila le déposa.
— Quel dommage ! Moi qui voulais l’offrir au roi… Bon, au revoir, brave homme.
— Attendez un peu ! Vous vouliez l’offrir au roi ?
— Puisque je vous le dis ! Il a aimé mon combat sur les toits hier et désirait un bâton comme le mien. Mais tant pis, il s’en passera jusqu’à ce que j’aille lui en chercher un à Meillan…
— Ah ! c’était vous… Toute la ville ne parle que de vous et de votre bâton. Est-ce que vous pourriez l’informer que vous l’avez trouvé chez moi ?
Le vieil homme était appâté.
— Naturellement. Et je lui indiquerai votre échoppe comme une caverne aux merveilles !
— Alors, je vous le donne. Dites à notre suzerain que c’est un présent de ma part, voulez-vous. Je me nomme Gatus Koui et je suis le propriétaire de cette boutique, se rengorgea-t-il.
Aila se sentit gênée. Elle désirait juste le payer quinze arsequins et non l’obtenir gratuitement. Il fallait bien que ce brave vendeur gagnât sa vie…
— Salutations, Gatus Koui. Je ferai part de votre cadeau au souverain, je vous en donne ma parole.
Le vieil homme lui tendit avec fierté le kenda qu’elle empoigna. Elle le salua et sortit dans la rue où elle vit la jeune Wallane qui l’attendait sagement, au côté de Lumière.
— Vous aviez raison, l’histoire est loin d’être celle que j’avais imaginée…
— Que comptez-vous faire, Lomaï ?
— Je vous accompagne au château pour me livrer. Mère aurait été horrifiée par l’erreur que j’ai commise. Elle était fière et honnête et je ne veux pas entacher son souvenir en me comportant lâchement.
— Venez, je vous emmène. Nous irons parler ensemble au roi.
Malheureusement, les choses ne se passèrent pas du tout comme prévu. Aila avait sauté le repas du midi sans s’en apercevoir et fut surprise par l’accueil plus que glacial qu’elle reçut. Croisant Aubin, elle lui confia Lomaï et les kendas avant de rejoindre le bureau du roi. Elle frappa et entra à sa demande pour se retrouver également en face d’Hubert, assis à la droite de son père.
— Mais où étiez-vous passée ? s’exclama Sérain, fort mécontent. En aucun cas, vous ne devez quitter le château sans prévenir de votre destination et sans acquérir au préalable la certitude de ne pas être engagée ailleurs !
Elle encaissa les reproches sans broncher, baissant la tête en signe d’acceptation.
— Je suis consciente d’avoir commis une grave erreur, sire. Elle ne se reproduira plus.
— Bon, très bien. Passons à la suite. Hubert m’a retransmis vos décisions de ce matin et le plan que vous avez élaboré ensemble.
— Pardonnez-moi, sire. Je vous dois la vérité, je n’ai rien choisi.
Sérain se figea, son visage manifestant visiblement son mécontentement croissant. L’homme pouvait ne pas être commode.
— Votre fils m’a énoncé ce qu’il avait décidé et comment il comptait le réaliser. Il n’y a jamais eu la moindre discussion et je n’ai pas été écoutée lorsque j’ai exprimé mon désaccord. C’était pour cela, et je croyais que sire Hubert vous l’aurait précisé, que je lui avais suggéré de choisir soit un autre partenaire pour l’accompagner, soit de me laisser partir avec Avelin quand il sera prêt. Lui, au moins, acceptera de s’appuyer sur mes connaissances pour que la mission réussisse, alors que, là, elle est vouée à l’échec.
L’aspect sévère de Sérain s’accentua. Elle observait le visage du roi dont les traits crispés avaient perdu toute bienveillance.
— Je déplore votre attitude fort impertinente, Aila. Cependant, vous devant la vie, je vous laisse une dernière chance de me l’expliquer avant de vous réexpédier à Antan.
Elle encaissa durement cette menace de renvoi, mais elle ne faiblit pas, malgré son cœur qui se serrait.
— Sire, quiconque connaît un minimum les Hagans sait qu’ils ne demeurent jamais au même endroit plus de deux ou trois semaines. Si vous voulez vous débarrasser du chef hagan, il faut à la fois trouver son camp et l’éliminer à ce moment-là, car, si vous y retournez quelques jours plus tard, la place aura été évacuée. Ils sont extrêmement doués pour disparaître dans la nature sans laisser la moindre trace.
— Et de quelle source sûre, vous qui n’avez sûrement jamais mis les pieds en Hagan, tirez-vous ces renseignements infaillibles ?
— De Bonneau, mon père qui les a combattus et qui n’a jamais cessé de surveiller ce qu’ils devenaient, par crainte de les voir revenir en Avotour. Il a déjà effectué deux incursions récentes en territoire hagan, dont une l’année dernière. C’est vrai qu’il ne m’y a jamais emmenée, mais il m’en a beaucoup parlé et je connais toutes leurs coutumes…
Le regard de Sérain se tourna vers son fils.
— Étais-tu au courant de ces faits ?
— Non, père. J’ai pris une décision à partir des informations rapportées par Adrien.
— Tout seul ?
— Oui, père, affirma Hubert, sans baisser les yeux.
Le souverain se fâcha pour de bon.
— Vous deux ! Débrouillez-vous comme vous le voulez, mais vous partirez ensemble, que cela vous plaise ou non ! Est-ce clair ? Deuxième chose : demain, Hector arrive et je crains qu’il ne soit pas dupe du grand amour régnant entre vous s’il vous voit prêt à vous étriper au moindre échange. Alors, là encore, débrouillez-vous comme vous le voulez, mais, demain, je veux un couple d’amoureux crédible. Et c’est un ordre ! Au travail…
Hubert et Aila échangèrent un coup d’œil glacial et le prince décida de sortir le premier.
— Sire, puis-je vous entretenir encore un instant ?
— Si c’est pour me parler de mon fils, c’est inutile !
Malgré son ton sans appel, il semblait avoir retrouvé son calme. Elle en profita pour insister :
— Non, sire, c’est extrêmement urgent. J’ai ramené une personne au château qui doit partager avec vous un aveu grave.
— Et où est-elle ?
— Dans le couloir avec Aubin.
— Qu’elle entre !
Elle partit chercher la jeune Wallane, qui patientait avec Aubin, et la fit rentrer dans la pièce où cette dernière s’agenouilla, sa tête touchant humblement le sol en signe de contrition.
— Qui êtes-vous et que désirez-vous ?
Sans relever la tête, elle répondit d’une voix modérément tremblante, mais claire :
— Je suis Lomaï Ataï. Voulant venger ma mère pour un affront dont je vous croyais responsable, je suis celle qui a tenté de vous assassiner hier. Ma conduite est impardonnable et votre sentence sera la mienne.
Aila prit peur. Le regard de Sérain était devenu terrifiant. Elle n’aurait pas dû emmener Lomaï auprès du roi aujourd’hui. Hélas ! C’était trop tard…
— Est-ce vous qui avez tué ma femme et ma fille ?
— Non, seigneur. Ma vengeance ne concernait que vous et je n’ai porté atteinte à votre vie qu’une seule fois, hier.
— Connaissez-vous le sort réservé à ceux qui attentent à la vie d’un membre de la famille royale ?
Impassible, Lomaï leva son beau visage vers le souverain. Elle ne pleurait pas, elle ne suppliait pas, elle n’espérait même plus.
— La mort par décapitation.
— Alors, tel sera votre destin à l’aube…
— NON !
Le cri avait jailli de la gorge d’Aila.
— Ne faites pas cela, sire !
— Aila, cette décision ne vous regarde en rien ! Taisez-vous !
Aila ne réfléchit pas. Elle plaça un genou au sol, croisa un bras sur sa poitrine et, d’une voix rendue rauque par l’émotion, elle récita ce qu’elle avait appris dans les livres d’Hamelin :
— Alors, je sollicite de mourir à la place de votre ennemie. Que ses erreurs lui soient pardonnées et qu’elle retrouve la dignité qu’elle n’aurait jamais dû perdre…
— Aila, non, gémit Lomaï. Mon roi, ne faites pas cela !
— C’est votre choix, Aila ? questionna Sérain, son regard réprobateur rivé sur la jeune fille.
La gorge nouée, elle leva les yeux vers lui.
— C’est mon choix, sire.
— Gardes ! Emmenez Aila Grand et enfermez-la au cachot. Elle sera décapitée dans la cour du château demain à la première cloche tapante.
La porte était restée ouverte. Tandis que les soldats l’embarquaient, elle croisa furtivement le regard horrifié d’Aubin qui avait surpris l’énoncé brutal de sa sentence.
— Prends soin de Lomaï, lui souffla-t-elle.
Son frère, pétrifié, la vit disparaître, entraînée comme une criminelle…
Aila atterrit dans un cachot sombre et malodorant, ne se doutant pas de l’émoi qu’elle avait provoqué dans le château. Assise sur une paille pouilleuse, elle regardait, sans les remarquer, les murs noirs de crasse qui se dressaient comme un carcan tout autour d’elle. Elle n’était plus qu’une coquille vide, dépourvue de sentiments. Et pourtant, elle frémit lorsqu’elle imagina la hache qui s’abattrait sur son cou. Est-ce que cela lui ferait mal ? Le bourreau allait sûrement lui couper les cheveux. Elle l’avait entendu dire, car elle n’avait jamais voulu assister à une exécution. C’était parfaitement abominable de participer à la mise à mort d’un homme en place publique… Au moins, sa fin se passerait discrètement dans la cour du château. Pour le coup, Barou pourrait jubiler de ne plus avoir de fille et Bonneau !… Par les fées, Bonneau… Lui qui avait tiré une telle fierté de sa fille, saurait-il qu’elle avait choisi de donner sa vie par esprit de justice ? Elle allait décevoir tous les gens qu’elle aimait et elle ne serait plus là pour protéger Aubin… Et les fées ! Elle les avait oubliées ! Plus personne ne pourrait les sauver ! Qu’avait-elle fait ? Le monde courait à sa perte par sa faute. Par les fées, elle allait mourir ! Elle avait déjà frôlé la mort à deux reprises, mais ce n’était pas semblable. La première fois, elle n’avait pas été vraiment effrayée. En revanche, lorsqu’elle s’était rendu compte qu’elle allait tomber dans le vide, là, elle avait eu carrément peur. Et Hubert l’avait sauvée… Hubert… Abruti ! Elle décédée, il pourrait exécuter ses missions comme il le souhaitait et les saboter simultanément ! Bouffon ! C’était ce à quoi il allait ressembler quand il annoncerait à ce cher Hector que sa promise avait fini décapitée le matin même ! Goujat !
Aila, qui pensait ne plus rien ressentir, éclata en sanglots. Elle pleura toutes les larmes de son corps, puis s’enferma dans un monde intérieur d’insensibilité. Elle n’entendit même pas le bruit du geôlier qui vint déposer l’écuelle de nourriture dans la pièce. Comme un dernier témoignage de son existence, elle envoya de toutes ses forces une onde d’amour à ceux qu’elle aimait avant de s’assoupir.