➀ Aila et la Magie des Fées | Roman de FANTASY | La saga d'Aila de C. Boullery

Aila et la Magie des Fées, tome 1 de la saga de fantasy de Catherine Boullery
La saga d'Aila  fantasy


fantasy

Note : 4.6 / 5 avec 283  critiques

Le début de l'histoire

Les légendes en Avotour racontent qu'hommes et fées vécurent en parfaite harmonie jusqu'au jour où un interdit absolu fut transgressé : l'amour entre un homme et une fée. Pour qu'un tel malheur ne se reproduise plus, les fées choisirent de disparaître aux yeux des hommes et c'est ainsi qu'aujourd'hui, en Avotour, plus personne ne croît aux fées ou presque…

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Orpheline de mère, Aila a grandi élevée par son oncle Bonneau dans le comté d'Antan. De loin, enfermée dans l'incompréhension totale de ce père qui l'a reniée à sa naissance sans raison apparente, elle observe son père Barou Grand et son petit frère Aubin vivre ensemble. Et, pourtant, ce colosse est le plus grand héros du royaume. C'est lui qui, des années auparavant, a repoussé chez eux les Hagans, peuple frontalier, féroce et sanguinaire, qui venait piller et tuer.

Heureusement, la jeune fille n'est pas seule. La châtelaine d'Antan, Mélinda s'occupe d'elle comme de ses trois filles, lui offrant une présence féminine indispensable tandis que Hamelin, le mage du château, érudit et sage, lui enseigne tout ce qu'il sait. De plus, Aubin, bravant l'interdit parental, décide de se rapprocher d'elle dans le plus grand secret.

Alors qu'Aila devient adolescente, Bonneau décèle chez sa nièce une aptitude peu commune à se battre et décide de la former. Aujourd'hui, à seize ans, elle est devenue une exceptionnelle combattante, en particulier, lorsqu'elle manipule le kenda, un bâton de combat aux propriétés peu conventionnelles. Elle est l'élève qui ferait la fierté de Barou. Cependant, rien n'a changé et ce dernier persiste à l'ignorer.

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Deux journées de deuil sont décrétées quand le roi Sérain d'Avotour perd sa femme et sa fille dans un attentat qui lui était destiné. À la suite de cet événement tragique, il décide de protéger ses trois fils en créant une garde rapprochée. Naturellement, il envoie chercher ces hommes parmi l'élite d'Avotour, c'est-à-dire dans le camp de formation de Barou Grand. C'est la chance que saisit Aila pour enfin prouver sa valeur. Malheureusement, Barou refuse sa participation. Alors, pour la première fois de sa vie, Aila s'oppose à lui et fait appel à une loi ancienne qui l'autorise à changer de père. Sa joie explose quand elle est sélectionnée, mais c'est aussi tout son monde qui bascule. Dorénavant, elle va quitter la sécurité d'Antan et son bonheur est teinté d'une légère appréhension.

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Son départ proche perturbe plus que de raison Hamelin. Aila connaît depuis bien longtemps son intérêt pour les fées et l'a toujours considéré comme l'expression d'une forme de nostalgie chez un homme attaché de traditions ancestrales. Seulement, quand elle touche le petit livre aux paysages mouvants qu'il lui tend, elle se sent immédiatement happée dans un autre monde avant de briser la magie du moment. Hamelin est convaincu qu'Aila peut communiquer avec les fées tandis que la jeune fille refuse totalement d'envisager, même l'espace d'un instant, l'existence de telles créatures. Malgré tout, par affection pour le vieil homme, elle emporte le livre qu'elle fourre au fond de son sac, espérant ainsi l'oublier au plus vite.

La qualité de vie en Avotour s'est bien dégradée depuis quelques années. La misère y côtoie la disette. De plus, affaibli, le pays redevient la cible de nouvelles attaques haganes et l'objet de convoitise de contrées limitrophes soutenues par la traîtrise interne de certains comtés du royaume. C'est ainsi que les membres de la garde rapprochée se voient attribuer différentes missions en vue de confondre ceux dont la loyauté a failli.

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Heureuse de partir avec le benjamin de la famille royale, Avelin, Aila déchante quand elle découvre que, en fin de compte, elle accompagnera l'héritier du trône, Hubert, aussi froid que rigide, dans une mission dans le comté d'Escarfe. Sa déception s'accroît quand elle apprend qu'elle sera présentée comme sa promise et qu'elle va devoir troquer sa tenue de combattante contre robes et frou-frou.

Tandis qu'Aila se prend finalement au jeu, des phénomènes bizarres apparaissent dans sa vie et la troublent. Comment se fait-il qu'elle pressente le danger ? Pourquoi son esprit devient-il capable de survoler l'espace qui l'entoure ?

Alors qu'un danger encore plus grand menace le royaume en la personne de Césarus, un empereur venu du nord qui détruit toute vie sur son passage, de nouvelles coalitions vont devoir naître pour contrer un oppresseur prêt à tout. Comment les ennemis d'aujourd'hui pourront-ils devenir les alliés demain ?

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Parcourez les coups de cœur de mes premiers lecteurs

Cassandre, 20 ans

Aila et la Magie des Fées, un joli titre qui n'attirait pas spécialement ma curiosité… Si j'avais su un jour qu'un livre de fantasy allait me rendre autant adepte de la lecture, je ne l'aurais pas cru. On pourrait croire à un livre pour fillettes rêvant de magie et d'univers parallèles, pourtant je dirais que c'est un livre qui en passionnerait plus d'un, tous âges confondus. Un livre magnifiquement bien écrit, qui révèle des détails qu'on ne pourrait imaginer…
Je me lance… j'ouvre le livre, je commence à lire quelques pages, 13, 20, 35… je dévore toutes ces lignes à une vitesse folle. Et voilà maintenant que je le prends dans le bus le matin, à ma pause déjeuner, le soir pour rentrer, et juste avant de me coucher. Je tourne les pages plus vite que mon ombre et naît un sentiment d'impatience de connaître la suite.
Au fil de l'histoire, je me suis complètement identifiée à l'héroïne ; elle était moi et j'étais elle. C'est comme si nous ne faisions qu'un. Une sensation qui reflète ma façon d'agir, de penser, de vivre… une aventure que j'ai lue et surtout vécue intérieurement pendant mes quelques jours de lecture passionnée. Je le relirai encore avec plaisir et avec les mêmes sentiments que la première fois ! Un livre à l'avenir tout tracé que je conseillerai à tous mes proches !!!

Sur UPblisher

Emmanuelle, 30 ans

Olala !!!!! Rien que le premier chapitre, et j'étais déjà accro !!! Ce qui est vraiment génial, c'est d'avoir pris plein de thèmes et histoires qui font partie de notre inconscient imaginaire et d'en avoir fait quelque chose de neuf ! Le tour de force de Catherine, c'est de parvenir à dévier ces éléments pour créer son propre monde et, ainsi, de générer un plaisir double pour le lecteur : celui de revivre un imaginaire de l'enfance dans un autre.
Tout est vraiment bien écrit et très fluide (et merci d'employer le subjonctif imparfait !!! J'adore ce temps qui ajoute un côté féerique et intemporel, justement typique du conte).
Aucune pesanteur, les personnages, leur origine, tout est bien posé en douceur et, pourtant, au milieu de péripéties palpitantes ! Le rythme est parfait ! C'est super bien ficelé, drôle, et, de plus, étonnamment d'actualité ! (toute la description d'Avotour, des problèmes causés par la misère, l'angoisse de ce qui va survenir…) Bref, je suis toujours aussi fan !!!

Didier, 53 ans

Eh bien, si je m'attendais un jour à donner mon avis sur un livre de fantasy, moi qui ne lis que des magazines d'économie, un ou deux ouvrages (sérieux) par an, et jamais de fantasy. J'ai été fortement incité à parcourir Aila et la Magie des Fées et je ne le regrette absolument pas. Une fois le prologue avalé, je pénètre dans un roman qui débute à la fois doucement (un environnement bien brossé, une fine description des personnages — aux caractères très affirmés — qui offrent tous un élément auquel s'attacher, une subtile entrée en matière des fées, imperceptiblement) et rapidement avec de l'action dès le premier chapitre — ça ne s'arrête plus jamais — et des dialogues d'une incroyable pétulance. Pas moyen de s'interrompre une fois qu'on a mis le doigt dans ce livre…

Miss Mag

Il faut aussi que je vous précise qu'après cette lecture, je suis en mesure de vous affirmer que le titre « Aila et la Magie des Fées » est très réducteur, en effet, ce roman déborde d'éléments qui en font un excellent moment littéraire.
Catherine Boullery parvient à nous tenir en haleine tout au long de cette histoire, nous y passons d'aventures en aventures. Alia est non seulement une combattante hors paire et une jeune femme au caractère bien trempé, mais aussi une personne pleine de douceur, qui sans le savoir est avide d'amour et de romantisme. Bien sûr , il me faut aussi parler des fées et du coté magique de ce livre, qui y tient aussi une partie importante et qui fait le lien avec les deux tomes suivants.
Avec ce roman j'ai donc vécu des moments romanesque, fantastique, d'aventure, J'ai voyagé au sein d'une contrée imaginaire.
Je ne saurai donc que vous conseiller de découvrir les aventures d'Alia si vous êtes en quête de toutes ces choses.
« Aila et la Magie des Fées » est donc le premier tome d'une saga, qui je maintiens mon opinion, aurait mérité un titre un peu plus recherché.

Sur Babelio
Virginie

Voilà ce qui se passe quand, en lisant un livre pour la seconde fois, je me sens une nouvelle fois littéralement happée par l'histoire : je me lâche ! Extrait : « Qu'est-ce qui m'a plu dans Aila et la Magie des Fées ? […] ce qui est intéressant, c'est que contrairement à d'habitude […], c'est une femme, Aila, qui reçoit toutes les caractéristiques des héros : combattante efficace, elle sait manier les armes, et peut se montrer fine stratège. Cela donne de la profondeur au personnage, et le roman a une coloration féministe en montrant comment une très jeune femme peut s'affirmer dans un monde d'hommes et instaurer un nouveau rapport à autrui. […] Autre chose : Aila est un personnage amusant et touchant, parce que contrairement à certains héros de fantasy, elle est un personnage inachevé : elle est encore en train de grandir, elle est souvent montrée en train d'apprendre à devenir une guerrière, on la voit même être très naïve, faire des erreurs importantes, et se méprendre sur les intentions d'autres personnages. C'est rassurant, ou réaliste, comme on veut, de découvrir un personnage qui n'est pas auréolé de toutes les perfections. […] on peut lire une réflexion sur le pouvoir et sur les modes de gouvernement. Ainsi, les actions humaines ont autant de place que la magie : Aila instille la volonté, chez les princes et les rois, de sortir de leur passivité, d'arrêter d'attendre une évolution extérieure, et de réfléchir par eux-mêmes à la manière de mieux gouverner leur pays et d'améliorer les conditions de vie de leur peuple. C'est surtout un roman sur la disparition de la magie […]. Or, cette magie ne peut disparaître, et cela nous est prouvé doublement : parce qu'elle aide à sauver le monde dans l'histoire racontée par le livre, mais aussi d'une autre manière : elle est peut-être fée, l'auteure de ce livre, car son livre agit sur le lecteur comme celui des fées sur Aila ; on se sent comme aspiré par une histoire qu'on ne veut plus quitter et qui s'offre très facilement à la lecture. Comment mieux affirmer que les livres et la lecture font ressusciter la magie et peuvent réenchanter notre monde ? »

Olivier, 40 ans

Un monde féerique envoûtant, une histoire passionnante qui vous tient en haleine de la première jusqu'à la dernière ligne. On vit des émotions intenses avec Aila ! J'ai autant dévoré les livres de Boullery que ceux de Goodkind, Tolkien ou Martin. Lisez les trois premiers chapitres : vous ne pourrez plus vous arrêter !

Sur UPblisher

Guillaume, 31 ans

Catherine Boullery réenchante la saga fantastique en trempant sa fine plume dans la clarté du conte. Les fluides aventures d'Aila sauront sans aucun doute poser leur charme puissant sur les enfants de 10 à 90 ans : un sort suffisamment puissant pour tenir en haleine au fil d'une histoire-fleuve.

Adrien, 27 ans

J'ai eu le privilège de découvrir en avant-première les aventures d'Aila. Elles m'ont tenu en haleine pendant plusieurs jours, c'est ce genre de roman qu'on peine à refermer tard le soir, mais dont on essaie d'économiser certains chapitres pour le lendemain ! J'ai hâte de découvrir la suite et suis ravi d'apprendre que d'autres personnes découvriront cet univers vraiment particulier et attachant. Bonne lecture à tout le monde !

Yollande, 45 ans

Je suis en train de relire Aila et la MAGIE est toujours là. C'est époustouflant, car je sais que, dans un an, dans dix ans, il y aura toujours cette magie que je me régalerai à redécouvrir. Ce livre enchanteur, envoûtant, fait partie de ceux qui me sont « intemporels » et dont le plaisir de la relecture reste toujours aussi fort : on s'attache à Aila, on se l'approprie, on vit sa vie au fil des mots, au fil des pages, on la voit grandir comme un enfant (on en est fière n'est-ce pas, Catherine ?) et on en redemande encore et encore. Et on se dit qu'on sera patiente comme jamais pour connaître la suite, mais surtout, surtout, ne jamais connaître sa fin !

Tous les ingrédients sont là : l'amour, l'amitié, la fidélité, le courage, l'aventure, l'espérance, les joies et les peines, le doute, l'angoisse, la violence, la mort… Exercice de très haute voltige. Je suis très touchée d'avoir eu le privilège de lire le 1er tome il y a un an et je n'ai plus qu'un mot à dire : longue vie à Aila.


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Extrait gratuit d'un des livres de la saga d'Aila offert par Catherine Boullery, auteure de fantasy (autres passages sur Amazon). Excellente lecture ;)

À présent, le châtelain était devenu calme comme un agneau, presque anéanti.
— Et grâce à vos facultés, vous m’avez catalogué comme un imbécile borné, colérique et je ne sais plus quoi…
— Certainement pas un imbécile ! Vous êtes surtout un seigneur intelligent, valeureux et compétent et, rien que pour ces raisons, je vous estime, même si, je dois être honnête avec vous, vous m’avez particulièrement semblé antipathique au premier abord. Depuis, j’ai changé d’avis. L’homme de valeur que vous êtes devra juste apprendre à tempérer ses excès.
— Mais mon comté ? À qui le confier ?
Il croisa le regard d’Aila et déglutit. Borné, il était borné… Depuis le temps que Julius le lui répétait.
— Naturellement à mon fils… Comment n’ai-je pas pu y penser plus tôt ?
Si Parcot semblait désorienté, Julius, rayonnant, affichait un large sourire. Il allait s’occuper du comté ! Décidément, ce soir, la vie lui souriait…
— Très bien, vous avez gagné. Je pars rejoindre Avotour et laisse à Julius la tâche de prendre soin de Partour. Je ne doute pas qu’il s’en acquittera à merveille.
Adrien se leva pour serrer la main du châtelain. Celui-ci, encore perdu, mit un peu de temps pour tendre la sienne en retour.
— Merci, sire Parcot. Je suis heureux du privilège que vous nous accordez de venir vous battre à nos côtés. Sire Julius, je vous propose de vous suivre dès maintenant pour rédiger ma plainte contre Artusi. Ainsi, vous pourrez le maintenir sans trop de difficulté dans sa geôle sombre et humide. Aila, allez vous reposer. Vous trouverez bien une servante pour vous montrer notre chambre. Je vous y rejoindrai dès que j’aurai terminé.

Sur le chemin qui les menait au bureau, Julius prit la parole, s’adressant à Adrien.
— J’adore dame Aila ! Depuis des années, je répète inlassablement les mêmes rengaines à mon père et elle, en un claquement de doigts, elle le fait changer du tout au tout ! Je ne croyais pas que ce soit possible…
— C’est une de ses grandes qualités. Elle transforme tous les gens qu’elle côtoie, d’un geste ou d’un mot, mais ceci ne s’accomplit pas toujours sans difficulté pour eux et, parfois, pour elle aussi…
— Et vous, qu’a-t-elle modifié en vous ?
— Voilà une question terriblement indiscrète ! Pour être franc, je ne saurais vous l’expliquer exactement, cela se fait par petites touches… Je ne peux pas vous en dire plus.
Adrien haussa les épaules. Qu’est-ce qu’Aila avait changé en lui ? Pour Hubert, le constat était simple, sa muraille de protection avait vacillé sous les assauts de la jeune fille et, même si son frère se refusait encore à le reconnaître, Adrien était certain qu’Aila avait touché son cœur en profondeur. Avelin, lui, avait trouvé une place où il se sentait bien ; il avait renoncé à jouer le fauteur de troubles, aux réflexions corrosives et aux actes provocateurs, elle avait pansé certaines des plaies ouvertes qui rongeaient son âme depuis trop de temps et il s’était apaisé. Mais lui ? Peut-être manquait-il de recul pour comprendre comment elle agissait sur lui…

Une fois le rapport terminé et Julius salué, il regagna sa chambre, guidé par un serviteur. Une petite bougie brillait sur sa table de chevet. Il se dévêtit, souffla la chandelle et s’allongea, rapidement perturbé par un bruit léger dont il ne trouvait pas la provenance. Tous ses sens en éveil, il s’efforçait d’en déterminer l’origine quand, curieux, il finit par rallumer la bougie et se relever. À l’oreille, il se dirigea vers Aila qui, à son grand étonnement, claquait des dents.
— Aila, que vous arrive-t-il ?
— Les voix, elles résonnent encore dans ma tête…
Elle gémit doucement.
— Mais je croyais qu’Amylis vous avait donné les moyens de vous y soustraire.
— C’est si dur et j’ai si froid…
Adrien passa sa main sur le front d’Aila qui était glacé.
— Poussez-vous un peu, je viens vous réchauffer.
Il l’aida quand il comprit que chacun de ses mouvements torturait son corps frigorifié. Il se colla à elle, rabattant les couvertures pour en être complètement recouverts et lui parla doucement jusqu’à ce qu’enfin il sentît son corps regagner quelques degrés et se détendre. Blottie contre lui, elle cessa finalement de trembler.
— C’est terminé, murmura Aila d’une voix vacillante. Ils ont abandonné leur tentative. Merci de m’avoir aidée.
— De rien. Je vous laisse dormir…
Il retrouva son lit et s’y allongea, songeur. La vie aux côtés d’Aila réservait toujours son lot de surprises. Que lui avait-elle dit déjà à ce sujet ? Qu’il finirait peut-être par s’en lasser… C’était surtout l’inquiétude qu’il lui arrivât quelque malheur qui le tenaillait. Il ressentait le besoin vital de la protéger de tout. C’était vraisemblablement cette préoccupation qui avait changé dans son existence, elle avait donné un sens à sa vie… Mais, sa garde du corps, nécessitait-elle vraiment la protection d’un prince ?

Après Partour, les deux voyageurs accélèrent à peine. Aila continuait ses petits prodiges à droite et à gauche. Dorénavant, à chaque halte, elle s’instituait ménestrel sur la place du village dans la journée ou le soir, dans l’auberge où ils passaient la nuit… Étrangement, sa réputation la précédait, car le bouche à oreille marchait merveilleusement bien. Partout, hommes et femmes laissaient tomber leurs activités pour venir l’écouter. D’un simple geste, un silence solennel s’abattait autour d’elle. À tous, elle répétait les mêmes mots, contant l’histoire d’Avotour et la menace qui planait sur leur pays. Elle emplissait leurs esprits d’images et de sons, les captivant tous. Elle ne cachait pas la réalité, elle étalait sous leurs yeux la vérité cruelle, mais elle leur donnait l’envie de croire et de se battre. Elle les exhortait à devenir les nouveaux messagers du roi, loyaux et volontaires, avant de les quitter sous une salve nourrie et enthousiaste d’applaudissements. Grâce à ce succès, souvent l’aubergiste leur offrait le repas et parfois la nuit dans une chambre sous comble. Chacun ignorait la présence d’un prince qui n’était qu’une silhouette invisible à ses côtés et vivait, sans protester ni se plaindre, dans l’ombre d’Aila. Tous les soirs, il appréciait la même histoire, ressentant la même fascination que le peuple d’Avotour et, chaque fois, il la redécouvrait comme s’il l’entendait pour la première fois. Il avait remarqué que, lorsqu’elle quittait la salle, son visage changeait du tout au tout et c’était elle qui devenait une ombre uniquement attirée par l’oubli que lui procurait le sommeil. L’inquiétude d’Adrien ne cessait de croître, mais il la gardait pour lui, certain qu’elle n’aurait pas voulu l’écouter…

Au lieu de mettre les six jours prévus pour gagner Niankor, le petit village où demeurait Nestor Aldebar, ils en mirent plus de dix… Cela ne leur donna que peu l’occasion de discuter ensemble, Aila s’enfermait chaque jour davantage dans un mutisme qu’elle n’abandonnait que pour enflammer les foules. Comme un malentendu après l’ébauche de complicité qui s’était tissée entre eux, une forme de pudeur avait dressé ses barrières et, s’il leur arrivait d’échanger encore des regards, ils ne savaient plus comment faire pour les mots. Chacun, de son côté, en était peiné, sans trouver le moyen d’y remédier…

À l’entrée de Niankor, ils se renseignèrent pour localiser la maison de Nestor. Aux complexes explications qu’ils reçurent, ils saisirent juste la direction pour ressortir du village, vers l’ouest, en se dirigeant vers les montagnes qui se profilaient au loin. Franchissant la limite de Niankor, ils avancèrent tranquillement cherchant dans le paysage ce qui pouvait ressembler à une demeure à demi enterrée sous la roche. Enfin, peut-être, ils n’étaient pas sûrs de ce qu’ils avaient compris… Aila projeta ses sens sans succès, la maison restait invisible pour son esprit. Ils s’apprêtaient à rebrousser chemin pour trouver un guide au village quand ils aperçurent un cavalier qui arrivait au trot dans leur direction. Ils l’attendirent, espérant qu’il saurait leur donner des indications détaillées. L’homme ralentit à leur niveau. De la poussière le recouvrait et, sur le flanc de son cheval, battaient deux gros ballots. Homme mince, de taille moyenne, aux traits anguleux et agréables, il afficha un grand sourire en les voyant.
— Prince Adrien ?
Surpris, Adrien hocha la tête.
— Je suis Nestor Aldebar. Vous vous promenez ou vous venez d’arriver ?
— Nous arrivons, répondit Adrien.
— Ouf… Je suis rassuré. À ma décharge, j’ai eu beaucoup de mal à dénicher une robe chamane. Les femmes sont déjà rares en tant que chamanes, alors leur robe, n’en parlons même pas ! Je vous raconterai tout à la maison. Et moi qui croyais vous trouver à m’attendre depuis plus d’une semaine ! Je vous avais laissé un mot pour vous inciter à la patience et à vous installer. Suivez-moi, parce que, je ne sais pas où vous alliez par là, mais pas chez moi, c’est certain !
Les deux voyageurs firent demi-tour et marchèrent sur les pas de Nestor qui se révéla un bavard impénitent. Il meubla ainsi le silence qui s’était établi entre le prince et la jeune fille.
— Et voilà, nous sommes arrivés ! s’écria-t-il.
Adrien et Aila se regardèrent brièvement. Mais où était donc la maison ? Devant eux, du haut de la falaise où ils faisaient halte, s’étalait à perte de vue un espace quasi désertique. Suivant Nestor et, après maints détours, ils discernèrent, dans un renforcement, un étroit sentier abrupt qui descendait. Parvenus en bas, les deux voyageurs ne distinguèrent toujours aucune habitation et ce ne fut qu’au détour d’un rocher plus gros que les autres, qui semblait enchâssé dans la masse de la paroi, qu’ils aperçurent la demeure encastrée sous la pierre. Ils comprenaient maintenant, sans étonnement, qu’aucune explication n’eût pu indiquer clairement le chemin pour gagner cet endroit… Aila arrêta Lumière, prenant le temps de promener ses yeux sur le site qu’elle trouvait magique. Sous les couleurs flamboyantes du soleil qui s’apprêtait à disparaître derrière la ligne d’horizon, les blocs de la falaise paraissaient s’embraser. C’était magnifique… Une pensée fugitive vers les fées lui traversa l’esprit, suivie d’une autre qui ressemblait plus à une certitude : son arrivée ici venait de changer sa vie de façon irréversible, sans savoir comment ni pourquoi. Quand tous ces bouleversements allaient-ils donc cesser ?
— Les écuries sont attenantes à mon habitation et sur sa gauche. Occupons-nous des chevaux, voulez-vous, proposa Nestor.
Elle apprécia l’idée et descendit de Lumière qu’elle flatta avec tendresse. Chacun des cavaliers prit le temps nécessaire pour soigner sa monture avant de se reposer. Bizarrement, Nestor resta silencieux jusqu’au retour à la maison où, là, le moulin à parole reprit son activité favorite : raconter sa vie ! Cela ne déplut pas à Aila qui se laissait bercer par le son de sa voix, sans écouter ce qu’il narrait :
— Comme vous le voyez, la demeure est petite et ma chambre encore plus. De ce fait, au-dessus de l’écurie, j’ai installé un dortoir. Vous y disposerez de plus de place et, comme elle communique avec les pièces d’habitation, mais pas les boxes, vous ne bénéficierez même pas des odeurs en prime… L’échelle est là. Il n’y pas d’ouverture sur l’extérieur, alors pensez à prendre deux chandelles avant d’y grimper.
Aila, son sac sur le dos, son kenda et la bougie dans une main et l’autre pour agripper les barreaux, commença son ascension avec prudence. Elle fut heureuse quand, parvenue en haut, elle put poser ses affaires, avant de prendre pied sur le plancher et de passer le rideau qui la séparait du dortoir. La pièce sentait le renfermé et contenait quatre lits sommaires : un châssis, une planche, de la paille et une couverture. Elle en choisit un et s’y assit, ressentant immédiatement la fatigue lui tomber dessus comme chaque soir depuis Partour. Elle se massait les tempes lorsqu’Adrien entra.
— J’ai pris ce lit, lui précisa-t-elle, mais je peux changer si vous le désirez.
— Non, c’est bien, je me contenterai de celui d’en face.
Voilà où ils en étaient réduits. Après s’être sentis si proches, ils n’échangeaient plus que des banalités… Quand leur relation avait-elle basculé ? Pas à Partour, mais après, quand elle était devenue un personnage public et lui un prince de l’ombre… Peut-être n’avait-il pas supporté d’être relégué au second plan ? À moins que la raison ne fût encore plus subtile… Elle ne le comprenait plus, elle savait juste qu’elle en souffrait, car elle appréciait beaucoup Adrien. Coûte que coûte, elle devait briser le mur qui les séparait. Ce soir, elle lui parlerait, mais pourquoi attendre ? Adrien s’était allongé, les yeux fermés. Elle resta un instant à le regarder avant de se décider. Elle s’assit sur le bord de son lit.
— Sire Adrien ?
Il ouvrit les yeux.
— Je voulais savoir si vous étiez fâché contre moi.
— Et pourquoi le serais-je ?
— Je l’ignore. Mais depuis notre escale au château de Partour, vous ne me parlez plus et j’ai la sensation que nous sommes devenus des étrangers l’un pour l’autre.
Adrien se redressa. Il regardait la jeune fille dans la lumière dansante de leurs chandelles.
— J’ai personnellement l’impression que c’est vous qui vous éloignez. Vous répondez à peine lorsque je vous adresse la parole. Vous semblez en permanence plongée dans un monde intérieur dont je n’ose même plus vous déranger. Je n’arrive plus à vous atteindre…
Les yeux d’Aila s’agrandissaient au fur et à mesure qu’Adrien parlait.
— C’est ainsi que vous me percevez. Vous pensez que c’est moi qui mets cette distance entre nous et pas vous. Oh ! dans ce cas, excusez-moi.
Elle se leva brusquement quand le prince la retint par la main et la força à se rasseoir.
— Je ne m’en rends pas compte, balbutia-t-elle, bouleversée.
— J’en suis persuadé. Je crois simplement que vous portez trop de choses, seule, sur vos épaules. Tous les soirs, vous vous effondrez de fatigue, vos traits se creusent. J’ai même remarqué que plus nous avancions et moins vous mangiez. Je m’en veux du fait de mon impuissance à vous soulager ou à vous aider…
Elle passa la main sur son visage comme pour vérifier ses propos.
— Comment faites-vous pour me supporter sans rien revendiquer ? Vous endurez mes retards, mes chemins de traverse, mes interventions publiques, vous ne protestez jamais…
— Que voudriez-vous que je dise ? Tout ce que vous accomplissez a un sens. Qu’importe si je ne le déchiffre pas ! Nous avons plein de jours de retard, quelle importance ? Nous arrivons et nous tombons nez à nez sur Nestor qui rentre. Si nous avions été diligents, nous aurions patienté de longues journées ici, dans l’hypothèse où nous aurions déniché cette maison par nous-mêmes ! Donc, tout le temps que vous avez pris devait l’être et, en plus, vous l’avez utilisé à bon escient… Que pourrais-je ajouter ?

— Mais si je me trompe un jour, vous me le direz ?
— Vous ne vous tromperez pas, je le sais. Et si jamais, pour une raison inimaginable, vous me sembliez dans l’erreur, je vous le signalerais.
Il l’attira vers lui et elle ne résista pas. Elle se blottit contre lui, heureuse d’avoir rétabli la paix avec le prince. Adrien ferma les yeux. Souvent, à son côté, il la sentait si solide qu’il en devenait insignifiant. En revanche, lors de moments comme celui-là, la vulnérabilité de la jeune fille lui donnait envie d’être fort pour deux…

Nestor les appela pour leur présenter le matériel qu’il avait réuni pour leur mission.
— Voici votre tenue, sire Adrien : pantalon et veste en peau, pull en laine, bottes, chèche et manteau ainsi que bonnet grand froid, dernier prix d’élégance, mais premier en efficacité. Manteau, bonnet et couverture sont transportés à l’arrière du cheval, avec une petite tente pour deux, très bien conçue. Je vous expliquerai comment la monter. Juste une remarque, les Hagans dorment nus la majeure partie du temps, sauf quand ils se sentent menacés, mais bon, vous ferez comme vous le voudrez. Pour la damoiselle, j’ai dû attendre le décès d’une chamane de mes amies, une très vieille dame à la jeunesse éternelle, enfin plus tout à fait, puisqu’elle a fini par s’éteindre… Mais avant, elle m’avait donné la permission de récupérer ses affaires pour vous. Seul détail, elle ne portait pas exactement une robe, mais c’est chamane quand même. Regardez : jupe à godets, chemise, gilet, bottes. À tout cela, ajoutez les mêmes manteau et bonnet extrêmement seyants que ceux de sire Adrien. Vous n’aurez pas de tente, mais une couverture. Une chance pour vous, les chamanes ne suivent aucune règle et vous pourrez dormir dans la tenue de votre choix. Je vous ai également préparé des vêtements d’été, enfin peut-être, que Marça, mon amie chamane, voulait absolument que j’emporte. Elle m’a affirmé que cela vous servirait : une jupe très courte avec une culotte intégrée, en cuir cette fois, et une brassière tout aussi légère et lacée sur le devant. Étant donné le froid de canard qui règne là-haut, j’ignore si vous aurez l’occasion de la revêtir, mais je vous la donne. Pour terminer, voici ses accessoires : une bague, des grelots, un collier qui ressemble beaucoup au vôtre d’ailleurs.
Aila posa sa main sur le pendentif qu’elle portait l’ébauche d’une fée. Elle avait devant ses yeux, sur la table, son frère jumeau ! Comment était-ce possible ?
— Et pour les chevaux ? Eustache nous a dit que vous nous aviez prévu des poneys hagans et je n’en ai pas vu à l’écurie, s’inquiéta Adrien.
— Tout à fait. Ne voulant pas les laisser seuls en mon absence, je les ai mis en pension chez un ami.
— Et vous vous occuperez bien des nôtres ? s’enquit Aila, le cœur lourd.
— Ne soyez pas anxieuse ! Les chevaux, c’est la passion de ma vie, alors partez sans crainte, je les choierai comme des invités de marque dans ma maison ! J’irai chercher les poneys demain à l’aube. Ce sont de bonnes bêtes robustes, prenez-en bien soin aussi. Vous disposerez de montures haganes des naseaux aux sabots, j’y ai veillé. Je vous ai préparé également de quoi vous sustenter pendant deux jours. Après, à vous de vous débrouiller, mes amis. Mais pour l’instant, avez-vous un petit creux ?
Les deux voyageurs acquiescèrent. La jeune fille se leva pour dresser la table, dénichant rapidement assiettes, gobelets et couverts, rangés dans l’unique buffet. Adrien offrit d’aller chercher de l’eau, mais devant l’itinéraire compliqué énoncé par Nestor, il renonça et se contenta de l’accompagner pour remplir leurs gourdes. Aila s’approcha de la cheminée dans laquelle ne brûlait aucun feu, ce qui lui manqua. Elle aurait donné n’importe quoi pour entendre les crépitements du bois dans les flammes comme quand elle vivait avec Bonneau. Et si seulement leur chaleur avait pu réchauffer le grand froid qui régnait à l’intérieur de son corps…

Le repas fut rapide, car Nestor, s’il était très bavard, grignotait comme un oiseau et leur servit des portions frugales. Cela tombait bien pour Aila qui avait perdu tout appétit. Adrien avait raison, elle mangeait de moins en moins… Par contre, le pauvre prince, habitué à un menu plus consistant, quitta la table un creux au ventre. Lorsque fut venu le moment de dormir, elle gravit l’échelle, suivi d’Adrien. Depuis le début du voyage, toujours avec la même délicatesse, il rejoignait la chambre plus tard, laissant un temps d’intimité à Aila. Cependant, ce soir-là, plongé dans ses pensées, il l’oublia. En un instant, il ôta ses habits, se coucha et se tourna vers le mur. Aila, qui avait monté les affaires de la chamane, s’installa sur le lit et les observait en détail. Elle eut la désagréable impression qu’elle allait se déguiser une nouvelle fois. Après tout, l’être en promise n’était pas si mal… Quoique, les vêtements et les accessoires chamans l’attiraient. Elle caressa avec douceur le cuir tanné et projeta son esprit vers celle qui les avait portés. L’image d’une vieille femme se forma, resplendissante de santé et de vie, pleine de bienveillance et d’amour à donner, qui lui sourit avant de s’effacer. Aila aurait voulu la retenir, mais elle était partie si vite qu’elle n’en avait pas eu le temps. De toute façon, y serait-elle parvenue ? Elle se déshabilla et passa lentement la tenue chamane qui semblait taillée pour elle, puis elle prit la bague, un anneau avec une pierre noire, qu’elle fit rouler dans sa main, et l’enfila avec respect à son doigt. Soudain, tout se brouilla autour d’elle. Il n’y eut plus de chambre, plus de murs, mais les parois rocheuses d’une grotte. Elle balaya du regard la pièce sombre à peine éclairée par une lumière diffuse dont l’origine lui échappait. Où était-elle ? Elle scruta l’endroit, indécise…
— Qui es-tu ? résonna une voix dans l’ombre.
— Je m’appelle Aila Grand.
— Que fais-tu dans la tenue de Marça ?
— Elle a rejoint le monde intérieur – mais comment savait-elle cela ? - et m’a offert ses vêtements et ses accessoires pour que je puisse les porter.
— Et sa bague aussi ?
— Sa bague également.
Une femme, toute simple, jaillit de l’obscurité, vêtue d’une robe chamane noire, ses cheveux noirs étaient nattés comme ceux d’Aila. Son visage sévère s’adoucit et elle s’avança vers la jeune fille pour lui donner une accolade avec bienveillance. Aila fut frappée par le vert de ses yeux qui brillaient comme en plein jour malgré la pénombre de la grotte.
— Bienvenue à toi, nouvelle chamane.
À l’image de ce qu’elle était, Aila ne put mentir.
— Je ne suis pas une chamane.
— Marça t’a légué ses vêtements et sa bague. Tu es donc devenue une chamane.
— Non, elle ignorait que c’était pour moi, elle ne me connaissait pas !
— Tu as raison, elle ne te connaissait pas, mais elle savait que ce serait pour toi et elle a choisi de s’éteindre pour te les laisser.
— Non ! s’écria Aila, désorientée.
— Pourquoi es-tu autant bouleversée ? Marça avait fait son temps parmi nous. Elle devait mourir, de toute façon, elle attendait juste le moment propice et tu as été celui-là. Je ne comprends pas ta réaction…
— J’ai l’impression d’anéantir tout ce que je touche, soupira Aila.
— Marça n’a pas été détruite. Elle a décidé que c’était un beau jour pour rejoindre le monde intérieur, c’est tout.
— Mais à cause de moi !
— Non, même pas… Cela faisait déjà quelques années qu’elle trouvait le temps long sur notre Terre. Cette très vieille femme aspirait à un repos bien mérité, mais elle attendait ta venue pour pouvoir enfin s’en aller en paix. Tu lui as offert ce qu’elle désirait, tu n’as aucune raison d’en être attristée…
— Je ne suis pas une chamane, insista Aila.
— Si, tu es une chamane et tu es même la première chamane guerrière de l’histoire hagane. Tu es Topéca.
— J’ai un nom de chamane ? Comment…
— Oui, et ses pouvoirs, coupa la femme.
— Et cela cohabite avec la magie des fées ?
— Ah ! c’était donc cette magie-là que je décelais en toi, si discrète que je n’arrivais pas à l’identifier. La magie des fées œuvre dans le domaine de la bonté. Le pouvoir des chamanes utilise la toute-puissance de ton esprit sur celui des hommes. Avec un peu de chance, tes différents pouvoirs ne devraient pas se manifester en même temps et cela devrait bien se passer. Maintenant, c’est la première fois que cela survient et je ne peux rien te garantir…
Aila soupira. Immanquablement, elle devait servir de terrain de jeu ou d’expérience pour des puissances supérieures dont elle ignorait tout. Cela devait les amuser, sinon pourquoi était-ce toujours sur elle que ce genre d’inconnues dégringolaient ?
— Et quel est le rôle d’une chamane ?
— Une simple chamane est un puits d’amour. Elle soigne, soulage, écoute, rassure un peu comme les fées. Mais tu n’es pas une simple chamane. Tu es la première chamane guerrière !
— Ah !… Et quelle est la différence avec une simple chamane ?
— Je n’en sais rien. Il n’y en a jamais eu avant. Ce sera à toi de créer ce qu’elle sera et ce que les traditions orales conteront jusqu’à la fin des temps…
— Et dire que je pensais pouvoir, pour une fois dans ma vie, passer inaperçue…
— Tu as mal choisi ton personnage.
— Je n’ai rien choisi du tout, sachez-le.
— Ah ! Alors, dis-toi que si quelqu’un décide pour toi, c’est qu’il a de bonnes raisons !
— Et je dois m’en contenter ?
— Allez, Topéca. Il est temps pour toi de retourner dans ta chambre. Tu es une chamane guerrière, la première ! Ne te trompe pas de voie ! Et n’oublie pas, tu es Topéca !

La voix de la femme résonnait encore dans la tête d’Aila quand le dortoir se reforma sous ses yeux. « Tu es Topéca ! Tu es la première chamane guerrière ! » Comme pour se convaincre, elle répéta tout bas :
— Je suis Topéca, je suis la première chamane guerrière.
Elle remarqua les autres affaires de Marça sur le lit et se déshabilla. Sur son corps nu, elle enfila la jupe courte culottée, puis la brassière qu’elle noua avec application. Ils étaient faits pour elle et s’ajustaient comme une deuxième peau. Dans le même temps, Aila devenait une autre, une chamane, la première chamane guerrière. Elle était Topéca ! Prenant son kenda, elle fixa à chaque extrémité les grelots, maîtrisant leur tintement pour ne pas réveiller Adrien. Enfin, elle dénoua la lanière de cuir autour de son cou et y ajouta le pendentif en bois sculpté, tellement similaire au sien, avant de la rattacher. Puis elle se changea de nouveau et décida de trier ses affaires. Elle rangea de côté ce qu’elle laisserait ici, comme son livre des fées et les vêtements qu’elle ne remettrait qu’à son retour. Elle les enfourna dans son sac à dos qu’elle abandonnait également pour la besace hagane. Elle hésita pour son arc, le cadeau d’Aubin et de dame Mélinda, avant de se résigner à le déposer aussi. Ensuite, elle s’occupa de ce qu’elle comptait prendre, sa ceinture à onguents, l’ouvrage d’Hamelin sur les plantes et fourra le tout dans la besace. Aila resta songeuse en regardant le présent de son ami qu’elle n’avait encore jamais ouvert depuis son départ d’Antan. Cependant, l’emporter la rassurait comme un ultime vestige de tout ce qu’elle allait quitter. Elle se répéta une dernière fois : « Je suis Topéca, je suis la première chamane guerrière », avant de souffler la flamme de sa bougie.

Les rêves d’Aila furent agités comme si le monde entier était venu lui parler. Toute la nuit s’étaient succédé des images et des phrases dont les souvenirs s’embrouillaient à son réveil. Seule la voix de la femme de la grotte ressassant la même phrase restait audible au milieu des bruits de fond : « Tu es Topéca, la première chamane guerrière. » Inlassablement martelée par ces mots, Aila se réveilla en sursaut, le cœur battant à toute vitesse. À la lumière de la chandelle, elle s’aperçut qu’Adrien avait déserté la chambre. Reprenant le contrôle de ses émotions, elle se força à calmer son rythme cardiaque avant de mettre un pied au sol. Par les fées, elle avait oublié quelque chose ! D’un mouvement rapide, elle fouilla dans une poche et en extirpa le poignard offert par Bonneau. Elle sourit à sa vue et le sortit de sa gaine, puis, d’un geste sûr, elle coupa une grande longueur de sa jupe sur chaque côté. Séparant les deux morceaux, elle dégagea sa jambe et y attacha le fourreau pour pouvoir lancer facilement son arme. Elle modifia plusieurs fois sa position pour qu’il fût exactement placé là où elle le désirait. Adrien remonta de la cuisine à ce moment-là :
— Bonjour, Aila ? Que faites-vous ?
— Bonjour, Adrien. J’ai cessé d’être Aila. Désormais, je suis Topéca et je suis la première chamane guerrière.
— Topéca ? Chamane guerrière ? Expliquez-vous ! Expliquez-moi !
— J’ai une nouvelle route à emprunter, c’est tout, il n’y a rien à expliquer. Il va falloir vous trouver un nom hagan. Que diriez-vous de Kazar ?
Interloqué, le jeune prince la dévisageait attentivement. Habillée des vêtements de Marça, Aila ne se ressemblait plus. D’ailleurs, était-ce bien encore à elle qu’il parlait ?
— Va pour Kazar. Cela ou autre chose me convient. Nestor nous a laissé un petit déjeuner léger à prendre le temps qu’il revienne avec les chevaux. Allez manger pendant que je finis de préparer mon sac hagan.
— Je n’ai pas faim.
Les traits d’Adrien se contractèrent. Aila ne l’avait jamais vu ainsi, mais elle était si loin.
— Je ne vous demande pas si vous avez faim, je vous ordonne de manger !
— Je suis Topéca et…
— Je sais…, mais en attendant, je suis encore votre prince ! Alors, à table !
— Non. Je n’ai plus besoin de me nourrir pour l’instant, alors ne me forcez pas.
Elle l’avait dit d’une voix très douce, mais très ferme. Le prince la fixa comme s’il la voyait pour la première fois, cherchant qui il avait en face de lui… Il secoua la tête, résigné à abandonner la partie. La mission serait probablement moins facile qu’il le pensait et il en éprouva une grande amertume.

Nestor revint rapidement avec deux poneys sellés, portant deux arcs courts utilisés par les tribus haganes. Il leur fournit également quelques remèdes contre les maux dus à l’altitude. Adrien avait suivi Nestor dans la cuisine pour écouter ses recommandations finales, tandis qu’Aila, le cœur dévasté, avait placé son visage dans l’encolure de Lumière. Sans être elle-même convaincue par ses propos, elle essayait d’expliquer à son cheval adoré pourquoi elle le laissait ici. Jamais de sa vie, elle ne s’était sentie aussi seule. Lumière symbolisait le dernier rempart qui retenait Aila en Topéca. La jeune fille regarda le poney noir qui l’attendait dans la cour… Quitter Lumière représentait encore un renoncement supplémentaire dans sa vie, mais il était sûrement de trop, car elle n’arrivait pas à l’accepter. De toute façon, que pouvait-il se passer de pire ? Adrien ne lui avait plus adressé la parole, ni jeté le moindre regard depuis leur confrontation au réveil. Il était purement et simplement fâché. Elle, pour sa part, s’était enfermée dans un silence sans fin, voilà qu’elle concurrençait Hubert… Elle souffrait déjà tellement de ne plus être Aila qu’elle ne voulait pas en plus perdre sa Lumière… Un moment, elle conçut l’idée d’utiliser les illusions créées par son esprit pour échanger les apparences des deux chevaux, mais elle ne désirait pas agir de façon aussi sournoise. Alors, elle se décida. Elle décrocha la bride de Lumière et approcha sa selle. En très peu de temps, elle harnacha sa jument au détriment du poney et attacha ses affaires dans les fontes. Non, non et non, elle partirait avec Lumière. Elle rajouta les sacoches haganes, son manteau et sa couverture à l’arrière. Elle installa son kenda dont les clochettes tintinnabulaient doucement, enroula son chèche autour de sa tête, puis sortit retrouver Adrien et Nestor, revenus dans la cour. Elle attrapa l’arc court sur ce qui aurait dû lui servir de monture et, comme un point d’orgue à la permutation qu’elle venait d’opérer, le fixa à sa selle. Pour terminer, elle tourna ses yeux vers les deux hommes, comme un nouveau défi.
— Je prends Lumière, se contenta-t-elle de déclarer, sans provocation.
Elle enfourcha son cheval, salua et remercia Nestor, puis partit au pas, attendant qu’Adrien la rejoignît. Elle entendit son poney qui remontait Lumière. Il lui décocha un regard noir, les mâchoires serrées, avant de lâcher :
— Jusqu’à présent, j’avais toujours imaginé qu’Hubert exagérait quand il parlait de vous. Je découvre maintenant qu’il avait sous-estimé la réalité.
Il talonna sa monture pour la devancer. Si elle avait été dans son état normal, elle aurait rattrapé le prince et lui aurait dit son fait. Seulement, aujourd’hui, plus rien n’avait d’importance que d’emmener Lumière. Qu’importait ce que pouvait croire Adrien ! Qu’importait ce que pouvait penser le monde entier ! Elle n’était plus personne et se contentait d’avancer parce que, quoi qu’il arrivât, elle avait une mission à réussir : sauver son pays.
Tandis que chaque pas les rapprochait du territoire hagan, les mêmes mots résonnaient encore et toujours dans la tête d’Aila : « Je suis Topéca, je suis la première chamane guerrière »…


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