Aila a grandi dans le comté d'Antan, élevée par son oncle et entourée par Mélinda, la châtelaine et Hamelin, le mage du comté. Sa volonté est de devenir une combattante et, poussée par son oncle, elle participe à des joutes orchestrées dans le but de sélectionner les membres de la garde rapprochée du roi Sérain d'Avotour. Finalement choisie, elle commence par être envoyée en mission en compagnie du fils aîné du roi, Hubert. Peu à peu, ses talents de combattante empruntent des voies inhabituelles qui semblent décupler ses sens et sa perception du monde qui l'entoure. Troublée, elle ne découvre que plus tard l'origine de tous ces bouleversements, liée aux pouvoirs que les fées partagent avec elle à son insu. Dorénavant, la vie en a décidé pour elle, elle n'aura plus qu'autre choix que celui d'accepter ses nouvelles aptitudes et toutes les conséquences, bonnes ou moins bonnes, qu'elles induiront.
L'heure est grave. Venu du nord, un empereur, Césarus, avance vers eux pour conquérir Avotour et tous les pays environnants. Il apparaît si puissant que tous doutent de leur capacité à le contrer. Convaincu de la nécessité de créer des alliances même avec leurs ennemis de toujours, Sérain d'Avotour envoie son fils cadet, Adrien, en compagnie d'Aila, vers le pays hagan. La route des deux compagnons emprunte des chemins de traverse et amène la jeune fille à semer dans les esprits des villageois le souffle d'un espoir insensé : pour lutter contre Césarus et pourquoi pas le vaincre, la seule solution réside dans le fait de s'allier et de se battre tous ensemble pour la liberté.
Parvenue aux frontières du pays Hagan, Aila récupère les affaires d'une chamane, Marça, qui vient de rejoindre les esprits de la Terre. À peine la tenue revêtue et la bague passée à son doigt, elle se retrouve dans une grotte, accueillie par une femme cachée dans l'ombre. Cette dernière lui révèle qu'elle est à présent, Topéca, la première chamane guerrière. Aila, sans pidement, Aila affirme sa nouvelle personnalité : elle est Topéca, la première chamane guerrière et le sol comme le ciel vibrent sous sa puissance au son des clochettes de son kenda. Elle va d'ailleurs prouver rapidement à tous que les esprits de la Terre l'habitent et crée La Tribu Libre regroupant les opposants de la Tribu Principale. Redescendue dans la plaine d'Avotour, Topéca redevient Aila au grand désespoir de cette dernière qui se perd entre ses différents rôles.
La lutte n'est cependant pas terminée et Aila parvient à renverser le roi du Faraday pour le remplacer par son frère. Alors qu'elle continue de combattre son destin, la clarté d'un regard lui donne envie d'aimer et d'être aimée. Malheureusement, au petit matin, l'Oracle l'appelle et elle quitte tous ses amis, même lui... Désespérée, elle renonce à tout. Cependant, sa quête ne restera pas solitaire très longtemps, car elle est rejointe par Niamie dans un premier temps, puis par Hang.
Au cœur du pays Hagan, après deux confrontations avec la sorcière, Aila retrouve Amata et devient la nouvelle porteuse de L'Oracle de Tennesse. Sous le déferlement de la connaissance, Aila s'efface totalement, mais Niamie s'y oppose de toutes ses forces et permet à la jeune femme de renaître derrière la personnalité si particulière de l'Oracle, l'amenant à organiser petit à petit sa double vie.
Parvenue en Épicral, Aila se lie d'amitié avec la reine Hatta avant de rejoindre la reine Alsone en Estanque. Sans toutefois rallier cette dernière à Avotour, elle obtient la participation de ses soldats. Ses relations avec Hang s'étant nettement dégradées, leurs chemins se séparent.
L'Oracle est une source incroyable de connaissances dont Aila s'enrichit pour mieux comprendre la façon de vaincre Césarus tandis qu'elle développe une nouvelle magie qui la rend lumineuse : la magie ancienne. Rebelle, exclusive, cette dernière ne lui offre aucune réponse et chacun des progrès d'Aila se paie au prix fort. Une petite et dangereuse incursion dans le cerveau de Césarus lui en apprend beaucoup sur les projets de son ennemi et Aila commence à organiser la résistance.
Alors que le combat de Bâmes bat son plein, en Niankor, Aila donne la vie. Elle se sépare de la magie pour un temps tandis que Hang est en chemin pour la Wallanie. Cette pause auprès de Nestor lui donne l'occasion de réfléchir sur les orientations de sa vie, mais la magie finit par reprendre ses droits et, Aila, son combat.
Alors que ses voyages dans l'infini l'écarte de plus en plus de sa vie de femme, Aila s'accroche à son humanité et progresse peu à peu dans sa maîtrise par trop aléatoire de la magie. Face au projet démesuré de Césarus, elle recrute des partenaires supplémentaires, dont l'écorcheur, le père pirate de la reine d'Épicral, et Arthur, le marin ami du roi d'Avotour. Ces nouveaux alliés suffiront-ils à contrer définitivement l'empereur ? Aila parviendra-t-elle à surmonter les plus douloureux écueils de sa vie ? À moins que son destin soit de tout abandonner ?
Je l'ai attendu… et je n'ai pas été déçue !
Ce quatrième tome a tout : la poésie, l'imagination, le style et la belle écriture, habituels chez Catherine Boullery, mais, en plus, un suspense tout à fait captivant ; je crois que j'ai été encore plus « accrochée » que dans les trois premiers tomes !
Je ne connaissais pas ce monde de la « Fantasy » et c'est pour moi une grande découverte.
La suite se passera 15 ans après… mais pas la publication.
Tome 4 et dernier tome de la saga : Aila qui se questionne, qui doute, des rebondissements en tout genre, de la magie, des sentiments, des liens qui se nouent ou se renouent, voilà en résumé ce que contient ce dernier tome de cette superbe saga qui réponds enfin aux questions que vous vous posiez ! Vous vibrerez d'émotions comme Aila : d'agacement, d'énervement, d'abattement, d'espoir, d'amour, de joie ! N'hésitez pas à vous lancer !
Sur AmazonJ'ai encore une fois été emportée par le récit des aventures d'Aila et de ses compagnons, dans sa quête de liberté pour son monde face à tous les dangers qui les entourent et l'ultime combat contre les armées de Césarus.
Et jusqu'au bout l'auteur nous tient en haleine et le suspense est conservé, on tremble pour cette héroïne hors du commun qui nous emporte dans son extraordinaire aventure.
Merci Catherine Boullery pour ces moments de Merveilleux et de Fantasy et à bientôt avec une suite ?!!!…
Si vous vous voulez vous évader dans un autre monde, alors lisez la superbe Saga D'Aila !!
Plein de rebondissements inattendus. On est tenu en haleine jusqu'au bout. Catherine nous transporte dans son voyage dans son monde imaginaire et quel plaisir de la suivre.
Sur FnacJe suis encore toute émue d'avoir fini le tome IV, bouleversée par ces rebondissements (j'en ai versé des petites larmes !! Un GRAND bonheur), c'est tout l'art BOULLERY car dorénavant il faudra rajouter cette auteure parmi les Grands de la Fantasy.
C'est une saga magnifique et qui au fil des livres grandit de plus en plus, l'écriture s'affine, l'émotion devient de plus en plus poignante. On a presque envie qu'elle n'ai pas de fin.
Rarement eu le bonheur de vivre une histoire aussi intensément, j'en redemande encore ! MERCI n'est pas un mot assez fort mais comme je n'ai que celui là… alors merci de nous avoir donner la chance de vivre « AILA ».
Voilà, c'est fini !!! Le quatrième tome d'Aila « La Dame Blanche » est rangé (électroniquement) après avoir été dévoré littéralement !! Il faut dire que j'étais resté sur ma faim depuis janvier 2014, après le troisième tome L'Oracle de Tennesse !! et j'avais vraiment hâte de retrouver ces aventures.
Que dire de cette saga ? Que c'est de la Fantasy dans ce qu'il y a de plus pur et de plus beau ? Que l'on est pris dès la lecture des premières lignes du tome 1 et que l'on ne peut plus se détacher ? Que l'héroïne et les autres personnages sont bien dessinés et attachants (les bons surtout) ? Que les aventures peuplées des personnages ayant bercé notre enfance (héros se sortant de toutes les situations, mais tellement humain avec ses doutes, fées, sorcières, chaman…) sont extraordinaires et merveilleuses ? Que… ?
La réponse est oui…, 1000 fois oui.
Chapeau bas à l'Auteur.
J'adore la Fantasy, la SF et j'en ai lu beaucoup…, mais là… On en reste coi !! L'imagination de l'auteur est débordante, virevoltante, bondissante… On pense en avoir atteint ses limites… et hop, on va encore plus loin, toujours plus loin dans le merveilleux et les rebondissements.
C'est du pur bonheur. On en redemande.
Rarement une saga m'a « emporté » de cette façon. J'attends avec impatience une suite éventuelle ou une autre saga de cet auteur.
À son réveil, le premier geste d’Aila fut de rajouter le livre des fées dans son sac à dos, elle ne voulait surtout pas l’oublier ! La veille au soir, elle avait dû omettre de prendre du Canubre, car elle se sentait nauséeuse. Elle mâchonna rapidement une graine, espérant ainsi recouvrer sa forme au plus vite. Lomaï, déjà debout, finissait son paquetage. Éprouvées par leur séparation prochaine, elles n’échangèrent que des banalités entrecoupées de sourires contraints. Ensemble, elles rejoignirent les autres membres du groupe pour avaler un petit déjeuner succinct. Aila salua tous ses compagnons et gagna les écuries pour s’occuper de Lumière. Fidèle à ses habitudes, elle lui raconta tout ce qu’elles allaient accomplir en équipe. Elle adorait cette impression que Lumière comprenait chaque mot qu’elle prononçait, qu’elle réagissait à ses propres sentiments. Entre elles existait une complicité implicite qui la comblait de bonheur. La jeune fille arrivait encore à s’étonner de la façon dont son cheval s’ébrouait ou piaffait pour exprimer son opinion ou venait frotter son museau contre son épaule, quémandant des caresses. La selle mise en place, Aila y fixa son kenda.
— Êtes-vous prête, Aila ?
Elle reconnut la voix d’Adrien, un peu plus sourde dans le petit matin. Elle hocha la tête et tira Lumière hors de l’écurie. Les deux voyageurs enfourchèrent leurs montures et partirent au pas vers la ville. Le soleil montait doucement dans le ciel, mais comme l’aube n’avait pas cédé ses couleurs à l’aurore, les habitants semblaient tout juste en train de se réveiller. Malgré le Canubre, la nausée persistait et, au cours de la matinée, elle s’intensifia tellement que la tête commença à lui tourner. Que se passait-il encore ? En général, les symptômes de sa visite aux fées s’estompaient rapidement. S’efforçant de cacher son malaise à Adrien, elle endossa son rôle de garde du corps et vérifia l’absence de danger sur leur route. Si elle réussit à tenir jusqu’au déjeuner, tout changea quand le prince lui proposa de prendre leur repas dans une auberge qu’ils avaient aperçue. À peine entrée dans la pièce, l’odeur de nourriture lui souleva le cœur et elle fit demi-tour aussi sec, soumise aux spasmes incontrôlables de son estomac. Il la rejoignit rapidement, attendant qu’elle ressaisît. D’une pâleur mortelle, elle resta agenouillée à même le sol. Quand enfin, les contractions s’espacèrent, il l’aida à s’asseoir contre un muret et partit lui chercher un verre d’eau qu’elle but à petites gorgées dès son retour. Elle lui fut reconnaissante de garder pour plus tard les questions auxquelles elle aurait été incapable de répondre. Elle se recroquevilla sur elle-même, sa tête enfouie entre ses bras et ses genoux. Elle aurait souhaité pouvoir dire au prince de déjeuner sans elle, mais elle n’y arriva pas. De fait, sa présence la rassurait et il resta à ses côtés sans songer à la quitter.
— Allez manger, sire Adrien, je me porte mieux à présent.
— Voulez-vous que je vous rapporte un en-cas ?
— Encore de l’eau et un quignon de pain pour plus tard…
Elle supposait qu’il enverrait un serveur lui apporter toute la nourriture, mais il revint en personne s’assurer qu’elle avait tout ce qu’elle désirait avant de repartir, seul, se rassasier à l’auberge. Ce fut un bruit sourd qui la tira du sommeil en sursaut. Par les fées, elle s’était endormie ! Elle ouvrit les yeux et aperçut son prince, assis contre le mur, les yeux fermés, qui dormait également.
— Sire ?
Il réagit immédiatement et lui sourit.
— À la bonne heure, vous voilà réveillée ! Comment allez-vous ?
— Beaucoup mieux. Avons-nous perdu beaucoup de temps ?
— Non, juste une petite demi-cloche. Sur dix jours de trajets, cela ne changera rien. Vous sentez-vous capable de repartir ?
Aila acquiesça et ils se remirent en route. Elle paraissait tout à fait bien maintenant et grignota en chemin un morceau de pain et du fromage dont les quelques portions suffirent pour assouvir sa fringale. Alors que la journée s’achevait, son état se dégrada à nouveau. La nausée remontait, accompagnée de vertiges. La jeune fille se mit à transpirer comme si elle devenait fiévreuse et ceci n’échappa pas à Adrien dont elle croisa le regard inquiet. Repérant une nouvelle auberge, en fin d’après-midi, il suggéra, toujours avec beaucoup de délicatesse, un repos pleinement mérité après ce premier jour de voyage. Elle ne fut pas dupe de la façon discrète dont il prenait soin d’elle. Elle aurait préféré lui montrer un autre visage d’elle-même, mais elle se sentait tellement incapable de poursuivre la mission qu’elle ne protesta pas. Elle monta directement se coucher, luttant contre la sensation de froid qui la paralysait progressivement. Tremblant de tous ses membres, elle se recroquevilla sur le lit, ignorant ce qui la faisait le plus souffrir, la nausée, les spasmes ou la douleur insidieuse qui lui martelait les tempes. Elle ouvrit les yeux un moment, découvrant autour d’elle des murs dont elle ne se souvenait pas, avant de sombrer une nouvelle fois. Son esprit errait, elle ne savait plus où, mais elle le sentait lui échapper et la conscience d’un danger tout proche finit par provoquer une réaction salutaire. Elle unit ses dernières forces pour murmurer d’une voix faible.
— Livre, sac…
Adrien, qui se tenait à ses côtés, se figea. Que venait-elle de dire ? Il hésitait, il lui semblait qu’elle avait parlé d’un livre… Il ne tergiversa qu’un instant avant d’ouvrir le sac d’Aila et de tout sortir avec application à la recherche du fameux ouvrage. Le sac vidé, il n’avait rien découvert et la poche intérieure qu’il avait palpée paraissait vide. Un soupçon d’énervement naquit en lui. D’un geste brusque, il retourna le sac et le secoua plusieurs fois jusqu’à en voir tomber un objet de la taille d’une main. Il s’accroupit et le ramassa. Voilà donc à quoi ressemblait le livre, petit et plat, très loin de ce qu’il avait imaginé, mais l’important était de l’avoir retrouvé. Aila n’était plus que douleur, elle en était arrivée au point de renoncer à tout, même à vivre pour faire cesser la souffrance quand la voix d’Adrien parvint à son cerveau :
— J’ai trouvé un ouvrage avec un paysage, est-ce lui, Aila ? Que dois-je faire ?
En dépit de ses muscles presque tétanisés, elle tendit la main vers le livre avant de s’évanouir. Quand elle se réveilla, Errys se tenait à ses côtés, littéralement épuisée.
— Amylis, elle revient avec nous ! s’exclama-t-elle.
— Aila, mais où êtes-vous donc allée ? s’enquit Amylis, terriblement angoissée.
Les idées encore brouillées, Aila distingua une autre voix, celle d’un homme… Adrien ! Mais que faisait-il au pays des fées ? L’espace d’un instant, elle eut envie de repartir, mais où déjà ? Elle ne s’en souvenait plus, cependant, elle avait comme laissé une partie d’elle là-bas. Non, ce n’était pas cela qu’elle devait faire, elle devait retourner avec le prince et ses amies les fées. Incertaine, elle se raccrocha aux voix qui l’appelaient, mais elles semblaient si lointaines que cela lui parût trop difficile et sa volonté fléchit à nouveau.
— Amylis, je la perds ! s’affola Errys.
— Laissez-moi faire ! Aila, c’est Adrien ! Revenez, vous êtes mon garde du corps et vous n’avez pas le droit de m’abandonner, je suis en danger ! Rentrez immédiatement !
Danger ! Il avait raison, son devoir de veiller sur lui la ramena un tant soit peu à la réalité. Elle devait retourner auprès de lui. Et pourtant, il y avait ce monde ailleurs, qui la sollicitait…
— Aila ! Moi, votre prince, je vous ordonne de rappliquer ici immédiatement ou je vais vous rechercher ! hurla Adrien.
La jeune fille se concentra sur la voix du prince. Elle se força à se désintéresser de tous ces chants, tous ces mots qui la réclamaient et qu’elle rechignait à quitter. Dans un ultime effort, elle reprit un chemin vers la lumière des fées, abandonnant à regret cet autre univers qu’elle avait à peine pris le plaisir d’effleurer. Son ordre résonnait encore dans sa tête quand elle leva ses paupières. Son regard tomba sur Adrien. Son cœur, déjà malmené, eut un brusque sursaut qui lui rappela la dure réalité de sa vie. Il avait les yeux bandés.
— Sire, articula-t-elle difficilement, vos yeux ?
À tâtons, il chercha son épaule pour y poser sa main.
— Rassurez-vous, Aila ! Je vais bien. Comme je n’ai pas le droit de pénétrer ici et que je ne peux m’en retourner sans vous, la solution la plus simple qu’a trouvée Amylis a été de me couvrir les yeux… Mais racontez-nous ce qui vous est arrivé, nous étions effroyablement inquiets.
Aila sentit la présence bienveillante d’Errys à ses côtés, ses deux mains tenant les siennes. Elle chercha à se redresser, mais, trop épuisée, elle échoua. Adrien l’entoura de ses deux bras pour l’y aider et la cala contre lui. Elle lui fut reconnaissante de sa sollicitude. Peu à peu, ses idées s’éclaircissaient. Elle ne savait pas encore à quoi elle avait échappé, mais elle comprenait que cela avait été de justesse.
— Que s’est-il passé ? questionna-t-elle.
— Nous espérions que tu nous l’expliquerais, répondit Amylis. Selon Errys, ton esprit est parti tellement loin que nous avons cru ne pas pouvoir te faire revenir. Nous n’avons cessé de te parler de tous les gens que tu connaissais et de ta vie pour te ramener vers nous. Et effectivement, tu as fini par ouvrir les yeux, mais pour repartir presque aussitôt. Le prince Adrien a finalement trouvé les ordres qu’il fallait et auxquelles tu n’as pu que te soumettre. Il t’a rappelé ton devoir de le protéger et cela a suffi. Nous sommes si heureuses de te revoir parmi nous. Mais où étais-tu donc allée ?
La voix d’Amylis trahissait tant d’anxiété qu’Aila se sentit coupable du tracas qu’elle leur avait causé.
— Je l’ignore. C’était comme si j’étais attendue ailleurs. Je ne pouvais pas les décevoir, ils avaient besoin de moi et…, Aila rougit avant de poursuivre, j’étais appréciée, aimée, vénérée… Cela me semblait si réel…
— Ce monde où tu étais désirée existe certainement.
— Un autre monde ? Pour l’instant, je ne connais que ceux des fées et des humains ? Qu’ai-je encore à découvrir ?
— Probablement un univers avec lequel tu n’as toujours pas eu de contact direct et qui souhaiterait à l’évidence que tu te ranges de leur côté…
Aila frissonna. Elle voyait bien où Amylis voulait en venir, mais elle refusait d’envisager cette hypothèse.
— Ceci ne peut pas provenir de l’Oracle ? tenta-t-elle.
— Non, en aucune façon, il ne procède pas ainsi, répondit la fée.
— Alors, un monde lié aux sorciers… ?
Les mots étaient enfin lâchés. Aila ne pouvait davantage se voiler la face et se sentit encore plus accablée. Amylis reprit :
— Si ce sont eux qui t’appellent, Aila, comme je le pressens, il va te falloir redoubler de prudence, car il est quasi impossible de résister à leurs voix enchanteresses…
Aila sentit son cœur se gonfler de chagrin.
— Mais pourquoi encore moi ? Ils ne peuvent pas, au moins une fois, choisir une autre personne pour lui pourrir la vie ! J’en ai assez, moi. Je veux rentrer chez moi !
Elle resta un instant figée, puis, se retournant, elle se blottit entre les bras d’Adrien, secouée de sanglots. Elle désirait disparaître. Elle ne souhaitait plus de pouvoirs, plus de fées, plus d’Oracles ou de sorciers ! Elle aspirait juste à être Aila ! Pourquoi la seule chose qu’elle revendiquait lui était-elle inaccessible ? Quand enfin ses larmes se calmèrent, elle se sentit vidée, mais l’esprit plus clair. Amylis l’observa, les sourcils légèrement froncés.
— Si tu désires que nous cessions de partager nos pouvoirs avec toi, nous le ferons. Tu redeviendras celle d’avant. Nous n’aspirons pas à survivre au point de te faire souffrir.
Aila se redressa et regarda fixement Amylis dans les yeux. Elle prit le temps de réfléchir à la proposition de son amie avant de lui répondre :
— Non, Amylis. Si les sorciers sont responsables des déboires qui viennent de m’arriver, ils comptent sûrement me malmener et je ne dois pas rester sans réagir ! Sans votre aide et celle d’Adrien, je ne m’en serais pas sortie. Alors, autant garder ce qui me préserve d’eux… Qu’il m’est difficile de trouver ma place quand je sais qu’il existe un Oracle dont la volonté est de me contrôler ! Pas plus que les sorciers, il ne semble me vouloir du bien, même si, de tout mon être, j’aspire à ce qu’il penche du côté d’Avotour. Vous demeurez les seules que j’aime et que je tiens pour mes vraies amies. J’ai prêté serment, je ne vous lâcherai pas et je ne reviendrai pas sur ma parole.
Elle s’inclina vers Amylis, tout émue, qu’elle prit dans ses bras. La fée ajouta :
— Nous ne t’abandonnerons pas non plus et mettrons toute notre énergie et toutes nos connaissances à ton service, je te le promets. Maintenant, le temps presse pour rentrer en Avotour. Vous devez vous reposer pour repartir demain et poursuivre votre mission. Tu vas devoir guider sire Adrien jusqu’à la sortie.
— Et il devra me soutenir, je n’ai plus de force. Comme duo de choc, on fait difficilement pire !
Il se redressa et étendit son bras vers elle. Elle s’y agrippa, les jambes flageolantes, et se stabilisa debout, accrochée fermement à son prince. Ils étaient sur le point de repartir quand Amylis rappela Aila :
— Avant ton départ, je voudrais t’offrir un présent qui ne sera pas en partage. Donne-moi ta main.
La jeune fille la lui tendit et tressaillit quand ses doigts touchèrent ceux d’Amylis.
— Que s’est-il passé ? demanda-t-elle, troublée.
— Je viens de te procurer le moyen de compartimenter ton esprit pour le protéger d’incursions étrangères. Dorénavant, personne ne pourra t’imposer quoi que ce soit sans ton accord. Tu te ménages ainsi un abri contre les esprits des autres, je te le dois bien…
Ce fut au tour d’Aila de froncer les sourcils, incertaine de ce qu’elle devait comprendre.
— Vous ne me devez rien, Amylis… Et quelle différence avec notre partage habituel ?
Étrangement, Amylis parut à la fois encore plus fragile, mais aussi plus rayonnante.
— Quand on donne, on n’a plus…
Aila s’affola.
— Mais pourquoi ? Amylis, je me serais débrouillée sans. Vous n’aviez pas à vous priver pour moi !
Épuisée, elle ne parvint pas à refouler les larmes qui montèrent à ses yeux, avant de couler sur ses joues. Mais, par les fées, voilà qu’elle se transformait en fontaine ! Elle n’allait pas passer sa vie à pleurer, quand même !
— Tu es mon amie, Aila. Tu as beaucoup donné de toi-même jusqu’à aujourd’hui et tu paies chaque jour de ta personne l’aide que tu nous apportes. Si un individu te veut du mal, il n’y arrivera pas tant que je vivrai. C’est mon choix et un honneur infini d’être celle qui te protégera de tes ennemis. Je suis la fée Esprit, ne l’oublie pas…
Amylis lui sourit avec tendresse.
— Je m’en souviendrai toujours…
Les deux visiteurs se dirigèrent d’un pas hésitant vers le portail, puis se retrouvèrent tous les deux sur le lit de l’auberge. Le prince enleva son bandeau d’un geste.
— Quel plaisir de revoir !
Aila s’allongea, elle se sentait si fatiguée… Juste avant de s’endormir, elle devina qu’il posait une couverture sur elle, récupérait et rangeait le livre des fées. Étrangement, elle songea qu’elle avait assez voyagé pour aujourd’hui…
Ce fut le chant des oiseaux qui la réveilla le lendemain matin. Mais quelle heure était-il ? Le soleil lui parut haut dans le ciel et elle se redressa sur son lit, avisant Adrien, debout devant la fenêtre.
— Sire ! Je suis confuse. J’ai dormi très tard…
— Je viens de me lever et j’ai à peine eu le temps de prendre mon petit déjeuner. Avez-vous faim ?
Elle n’hésita pas : son estomac criait famine !
— Je vais vous en commander un. Vous disposez d’un petit moment pour vous rafraîchir, je serai de retour dans un instant. À tout de suite.
Le prince sorti, elle décida de se changer. Elle quitta ce qu’elle portait, profita de la cuvette pour s’asperger d’eau. Elle frissonna sous sa fraîcheur, mais, dans le même temps, elle se sentit complètement vivante, libérée du cauchemar du jour précédent. Elle choisit sa tenue de cuir et inspira longuement son odeur avant de la revêtir. Elle lui rappelait Antan, Bonneau. Ce dernier devait être en route pour Avotour avec Barou. Deux grands héros qui allaient reconstituer une armée capable de se faire tuer pour vaincre… elle ne les envia pas. Fraîche et en pleine forme, elle sourit à Adrien quand il repassa la porte avec un plateau dans les mains.
— Sire Adrien ! Ce n’est pas à vous de me servir !
Il pivota sur lui-même.
— Ah bon ! pourtant, je ne distingue personne d’autre…
— Je suis vraiment désolée pour tous les contretemps que j’ai occasionnés…
— Vous êtes désolée ! Mais de quoi ? Est-ce que vous vous rendez compte que je pourrai raconter à mes enfants, puis à mes petits-enfants que je suis allé au pays des fées, que je les ai rencontrées, que je leur ai parlé, même si je ne les ai pas vues ? Quand je relaterai mon aventure à mes frères, ils pâliront de jalousie ! Je n’aurais échangé ma place pour rien au monde, croyez-moi ! Ce moment de pur bonheur restera gravé dans ma mémoire comme un de mes meilleurs souvenirs… Enfin, surtout une fois que vous étiez à nouveau parmi nous. Que dois-je faire, Aila, si cela se reproduit ?
— Vous avez entendu Amylis, elle m’a protégée de toute nouvelle intrusion.
— Avelin avait raison ! La vie avec vous constitue une source d’aventures quotidiennes !
— N’en riez pas trop ! Vous finirez peut-être comme moi par vous lasser de toujours figurer en première ligne.
— Je le sais, Aila. Je cherche juste à rendre tout ceci plus anodin, mais, à aucun moment, je ne minimise les souffrances que vous devez endurer…
Ils s’observèrent un long moment.
— Allez, à table !
Elle obtempéra et engloutit comme trois ! Elle avait une faim de loup.
— J’ai demandé au tavernier de nous préparer un en-cas pour ce midi. Nous pourrons manger rapidement en chemin et, ainsi, rattraper notre petit retard.
Moins d’un quart de cloche après, ils chevauchaient ensemble. La suite du voyage fut beaucoup plus tranquille que son démarrage. Aila ne ressentit pas de malaises et aucun danger aux alentours. Cependant, son esprit bouillonnait de ce qu’elle observait. En effet, la misère en Avotour n’était en rien une illusion et chaque village traversé en fournissait une preuve supplémentaire. C’était plus fort qu’elle, Aila ne pouvait s’empêcher de s’arrêter pour une raison ou une autre : soigner un enfant, un homme blessé ou des animaux, aider les récoltes à pousser, apporter le soleil ou la pluie, chasser des nuisibles. Chaque jour, les multiples haltes ralentissaient leur progression vers Niankor. Elle en était consciente, sans pouvoir abandonner ces gens à leurs ennuis, leur chagrin ou leur souffrance. Jetant périodiquement des coups d’œil à Adrien, elle craignait qu’il explosât, comme Hubert, de tous ses tours et détours. Stoïque, le prince ne bronchait pas, se contentant d’attendre qu’elle eût fini sa tâche pour repartir ou se proposant même de l’aider quand il s’en sentait capable. Bientôt, ils s’arrêtèrent systématiquement dans les villages qu’ils traversaient. Mais était-ce le hasard ? Petit à petit, ils dévièrent du chemin le plus court vers Niankor et, ce soir-là, leurs pas les menèrent dans la ville de Partour, ville principale du comté du même nom. Ils y logèrent dans une auberge du centre-ville et s’installèrent dans la salle commune pour y dîner, écoutant distraitement les discussions voisines. Vers le milieu du repas, un individu, portant un chapeau excentrique, entra en fanfare et s’assit avec ses acolytes à la table adjacente, tandis que l’aubergiste s’empressait de les accueillir et de les servir aux dépens d’autres clients déjà attablés. L’homme chapeauté, au verbe haut, forçait sa voix, s’esclaffant de tout et de rien avec ses compagnons, sans craindre de déranger ses voisins, bien au contraire.
— Trinquons, mes chers amis ! À la santé de ce bon à rien de roi et de ses gringalets de fils qui ne valent guère mieux ! s’exclama-t-il, pour que tout le monde l’entendît dans la pièce.
Aila sentit Adrien se raidir et posa tranquillement sa main sur la sienne, retenant un éventuel geste impulsif. Il la regarda. Elle lui sourit et lui murmura :
— Quoiqu’il se passe, laissez-moi faire, je vous prie.
Elle devina le combat intérieur qu’il livrait ; la mobilité de ses traits montrait à quel point entendre parler ainsi de son père et de ses frères lui en coûtait, puis il finit par soupirer, visiblement à contrecœur bien qu’elle sentît la tension qui l’étreignait.
— Allez, mes amis ! poursuivit le braillard. À quoi allons-nous trinquer maintenant ? À tous ceux qui crèvent parce qu’au château d’Avotour, ils s’en foutent ! Paraît qu’ils ont besoin d’hommes pour se battre ! Quelle ironie ! Tout ce qu’ils souhaitent, ce sont des bêtes de somme qui courront au massacre à leur place ! Mais nous, on n’est pas tombés de la dernière pluie… On n’ira pas se faire trucider pour leurs beaux yeux ! Qu’ils crèvent ! Nous, on crève déjà !
Les murmures autour de leur table s’amplifiaient. Beaucoup d’hommes semblaient se rallier à cette opinion et hochaient la tête avec ardeur, y ajoutant parfois une petite réplique de leur cru.
Aila décida qu’il était temps d’intervenir et se leva. Arrivée devant la troupe de mauvais sires, elle poussa les chopes d’un ample revers du bras et s’assit sur la table avec décontraction, juste devant ce grand parleur, saisissant une pomme au passage. Sans quitter des yeux le lascar, temporairement muet, elle croqua dedans avec impertinence. Un sourire lubrique s’afficha sur le visage du bougre.
— Alors, ma jolie donzelle ! Qu’attends-tu pour venir te faire peloter sur mes genoux ? proposa-t-il, j’ai de quoi te faire passer un moment drôlement excitant…
Il cligna grossièrement de l’œil, puis rit grassement, imité par ses invités. « Quelle belle brochette d’idiots ! », pensa Aila. Idiot, peut-être, mais elle considéra l’homme qui lui faisait face comme potentiellement dangereux.
— Monseigneur, vous me semblez très renseigné sur les événements d’Avotour. Et moi, j’adore les hommes importants…
— Fichtre ! Bien sûr que je suis un homme important, de la plus haute importance même ! Et le roi me lèche les bottes quand il a besoin de moi, ricana-t-il.
— Comme c’est bizarre… ! Nous ne devons pas fréquenter les mêmes endroits, car je ne vous y ai jamais rencontré là-bas. Il est vrai que je vais rarement en cuisine ou chez les serviteurs…
Le sourire de l’homme disparut subitement.
— Ma mignonne, si tu n’es pas là pour écarter tes jolies cuisses, tu as intérêt à dégager tes fesses vite fait, sinon mes amis se chargeront de toi.
— Quoi ! Quatre forces de la nature contre une faible fille ! Comme vous êtes terriblement déloyal ! En plus, vous voudriez qu’ils me fassent quoi, vos petits chétifs ? Surtout que, si j’en juge par votre fatuité, vous parlez beaucoup, mais quant à vous salir les mains…
Agacé, le lascar lança un signe à ses compagnons, mais Aila en rassit un avec vigueur telle que cela refroidit immédiatement l’empressement des autres à venir se confronter à elle.