Aila a grandi dans le comté d'Antan, élevée par son oncle et entourée par Mélinda, la châtelaine et Hamelin, le mage du comté. Sa volonté est de devenir une combattante et, poussée par son oncle, elle participe à des joutes orchestrées dans le but de sélectionner les membres de la garde rapprochée du roi Sérain d'Avotour. Finalement choisie, elle commence par être envoyée en mission en compagnie du fils aîné du roi, Hubert. Peu à peu, ses talents de combattante empruntent des voies inhabituelles qui semblent décupler ses sens et sa perception du monde qui l'entoure. Troublée, elle ne découvre que plus tard l'origine de tous ces bouleversements, liée aux pouvoirs que les fées partagent avec elle à son insu. Dorénavant, la vie en a décidé pour elle, elle n'aura plus qu'autre choix que celui d'accepter ses nouvelles aptitudes et toutes les conséquences, bonnes ou moins bonnes, qu'elles induiront.
L'heure est grave. Venu du nord, un empereur, Césarus, avance vers eux pour conquérir Avotour et tous les pays environnants. Il apparaît si puissant que tous doutent de leur capacité à le contrer. Convaincu de la nécessité de créer des alliances même avec leurs ennemis de toujours, Sérain d'Avotour envoie son fils cadet, Adrien, en compagnie d'Aila, vers le pays Hagan. La route des deux compagnons emprunte des chemins de traverse et amène la jeune fille à semer dans les esprits des villageois le souffle d'un espoir insensé : pour lutter contre Césarus et pourquoi pas le vaincre, la seule solution réside dans le fait de s'allier et de se battre tous ensemble pour la liberté.
Parvenue aux frontières du pays Hagan, Aila récupère les affaires d'une chamane, Marça, qui vient de rejoindre les esprits de la Terre. À peine la tenue revêtue et la bague passée à son doigt, elle se retrouve dans une grotte, accueillie par une femme cachée dans l'ombre. Cette dernière lui révèle qu'elle est à présent, Topéca, la première chamane guerrière. Aila, sans avoir la moindre idée de ce que signifie être chamane, endosse ce nouveau rôle sans joie… Accompagnée par Adrien devenu Kazar, elle quitte Avotour pour le pays Hagan.
Plus rien ne va… Depuis qu'Aila est devenue Topéca, Adrien et elle se parlent à peine. Rapidement, le prince réalise que la jeune femme, une fois de plus, porte sur ses épaules un fardeau beaucoup trop lourd et tente la réconforter : Aila ne peut pas disparaître aussi facilement derrière Topéca. Rassérénée par les propos de son compagnon, la nouvelle chamane reprend la route sur les sentiers montagneux, le coeur apaisé.
Leur chemin les mène à la rencontre de la tribu Appa dont le chef se nomme Quéra. Dès cet instant, Aila affirme sa nouvelle personnalité : elle est Topéca, la première chamane guerrière et le sol comme le ciel vibre sous sa puissance au son des clochettes de son kenda. Elle va d'ailleurs prouver rapidement à tous que les esprits de la Terre l'habitent en sauvant les uns après les autres les enfants de la tribu tombés malades. Cependant, chez Topéca comme chez Aila, rien n'est offert aux autres sans qu'elle en paye le prix. C'est sous les regards inquiets des mères de la tribu que la chamane épuise son énergie dans le seul but de préserver des vies.
Mais la lutte ne fait que commencer. Derrière cette maladie insidieuse se cachent l'ombre de sorciers et leur perversité. Face à cette certitude, les détruire peu à peu devient une évidence, mais comment ? À présent, le moment est venu d'en affronter un parmi eux. Mais est-il possible de vaincre ces représentants du mal ? Quelle puissance nouvelle et inédite Aila - Topéca déploiera-t-elle pour y parvenir ?
Après le 1er tome, place au 2e que j'ai commencé à lire très rapidement ! Aila nous surprend une fois de plus avec ses nouveaux pouvoirs, son nouveau combat, ses nouvelles difficultés qui la font tant douter… Elle nous prend au coeur des tripes, on s'accroche, on suspend sa respiration à chaque action… On fait défiler les pages, au travail, en voiture, partout on l'on peut… La curiosité et l'affection que l'on porte aux personnages nous porte dans un univers magique et réel à la fois… Il entraîne également sur des réactions primaires, oui primaires ^^ un collègue m'a fait la blague de cacher mon livre quand je voulais le lire et je devais absolument finir la page pour comprendre un moment important du livre, je suis devenue folle à le chercher partout !!!!! Et quand je l'ai retrouvé, je lui ai fait passer un mauvais quart d'heure !!
J'ai fini le 2e tome il y a 3 jours et ma lecture préferée me manque !! vivement le 3e tome… Cela faisait très longtemps que je n'avais pas pris autant de plaisir à lire un livre… Un grand Bravo à cette auteur à un avenir très prometteur !!
… et c'est un exploit. Superbe.
Ce deuxième tome s'inscrit dans la foulée du premier, avec le même brio, un panache encore plus grand… et les mêmes forces et faiblesses malheureusement. Il faudra attendre le tome trois pour un peu plus d'ouverture.
Aila reste au centre d'un récit qui tour à tour vous donnera des ailes et vous vous fera sombrer dans le chagrin.
Catherine améliore encore son style, et nous fait vivre Aila-Topéca avec une force inédite.
Et rien d'autre. Si vous aimez votre fantasy uniquement pour les mondes créés, passez votre chemin. La saga d'Aila est uniquement celà — Aila. Et c'est sublime.
La force du tome deux est le chamanisme, non pas dans le récit raconté, mais dans le style de celui-ci. Il vous emporte dans quelque chose de plus grand, de vibrant… C'est la force évocatrice de l'écriture qui porte le récit et le rend possible.
Et une fin qui vous laissera sur vos dents… pendant une bonne partie du tome suivant également.
C'est avec regret que j'ai refermé le chapitre Topéca, et une grande tristesse de cette époque révolue pour Aila.
J'avais découvert le tome 1 grâce aux commentaires des lecteurs précédents et avait trouvé ce roman de fantasy très original.
Avec le tome 2, La Tribu Libre, le qualificatif « prenant » est plus approprié tant j'ai été est happé par la quête d'Aila dans les montagnes haganes, ses combats contre la sorcière et les sorciers, sa confrontation avec la grande souffrance, le château de Faraday — pour la partie action —, mais aussi par les nouvelles amitiés qui se nouent avec quelques Hagans, sa rencontre avec les chamans et les esprits de la terre et enfin l'apothéose de Topéca.
Que du bonheur dans un style alerte, que de l'action avec des rebondissements toujours inattendus, que des dialogues passionnants avec Adrien et Pardon, que de beaux sentiments avec Hang et Hatta…
Un point négatif pour équilibrer mon commentaire : le dernier chapitre m'a surpris au plus haut point et ce qui s'y passe a causé une immense frustration m'obligeant à acheter L'Oracle de Tennesse.
Encore une fois, Catherine Boullery nous emmène dans son univers. Si on vous êtes fan de Robin Hobb ou dans une moindre mesure du Seigneur des anneaux, cet univers pourra vous sembler familier, mais néanmoins original tant par les idées que par l'écriture fluide et efficace.
Ne prévoyez pas trop de choses à faire après avoir ouvert ce livre, on le dévore, comme le premier tome ! Je m'étonne cependant de ne pas trouver ce livre en papier… merci donc au format numérique de nous permettre de profiter de cette saga dont j'attends la suite, avec impatience !
J'ai de nouveau plongé dans cet univers envoûtant et il était difficile d'en sortir. Alors que je lis de moins en moins en ce moment, j'ai profité de chaque minute de temps libre pour sortir mon livre de fantasy et avancer dans l'histoire.
Il est assez facile de s'identifier à ce personnage d'Aila. Elle cherche qui elle est vraiment (mais sait-on un jour réellement qui nous sommes ?) Du coup, sa quête dans ces différents mondes fait ressortir ses diverses personnalités (et chacun de nous se comporte différemment selon son environnement). En ajoutant bien sûr toutes les aventures qu'elle vit (mais qui n'a pas rêvé un jour de lâcher sa petite vie tranquille pour partir à l'aventure ?), ça donne un superbe roman ! Bravo !
Quel bonheur de retrouver Aila dans ce second tome et de se laisser de nouveau complètement happer par sa quête, portée par un souffle qui anime le livre du début à la fin et nous laisse au bout un peu haletant… et dans l'attente de repartir dans le tourbillon des aventures du tome 3, dès qu'il sortira! Un grand merci pour ce plaisir de lecture renouvelé!
Donc merci encore… et pas merci!
Merci encore pour le plaisir inouï que j'ai retrouvé à dévorer le 2e tome d'Aila. Et pas merci, car je l'ai stupidement commencé vers 19 h ce soir et que je le finis juste (minuit et demi passé), moi qui restais tranquillement à la maison pour me coucher tôt et me reposer un peu… !
Après avoir découvert Aila dans le tome 1, je n'ai pu m'empêcher de me jeter avidement sur le second. Spielberg, James Cameron et compagnie devraient, je le pense, se pencher sur la littérature indépendante française. Celle-ci, grâce à des plateformes telles qu'UPblisher, se positionnant en complément des circuits Parisiens, voient de véritables talents émerger. C'est ce pourquoi je parle de littérature, car même si l'imaginaire et la fantaisie sont une force dans cette œuvre, elles ne l'en dépossèdent pas de son style d'écriture remarquable. Ici, nul empaquetage, nulle formule enrobée ; juste de l'essentiel, du pertinent, et du dépouillé. Un style qui va droit à l'imaginaire et au rêve. C'est bien le terme qui s'impose. La Tribu Libre, le pays hagan, Aila-Topéca : tout cet univers ne peut que transporter les âmes dans un monde parallèle « libre » à chacun. Tout lecteur y verra sa propre tribu libre, sa propre Aila, et construira ses propres espoirs sur ce synopsis. La projection est inévitable, et le voyage n'en est que plus beau.
Accrochez-vous, Catherine Boullery est une auteure qui n'a pas fini de vous surprendre. Son arme la plus douce réside dans l'envoûtement de ses textes. Le suspens qui y règne, la poétique et la poésie qui s'en dégagent, la stylistique de la magie et des sens: tout vous dépossèdera de votre quotidien pour un monde haut en couleurs. L'effet persistera même après avoir refermé la dernière page, et vous attendrez impatiemment le prochain tome.
Alors de ma petite expérience en lettres, j'apprécie l'ouverture de ces éditeurs. Ils ont eu raison de se pencher sur cette collection d’œuvres : la vie d'Aila vous rapportera !
PS : Quel supplice de ne pas savoir avec qui elle a passé sa dernière nuit au château d'Avotour…! Mais c'est génial : bravo… ! Ce sera un best seller…
Pour une fois, Aila n’attendit pas le petit déjeuner. De toute façon, Lomaï dormait encore et Élina n’allait sûrement pas venir la réveiller si tôt. Le Canubre avait fait son effet et elle se sentait parfaitement bien. Maintenant qu’elle avait conscience de ses nouveaux dons, elle réalisa qu’elle devait également apprendre la patience avant de les découvrir lors de situations périlleuses… Alors qu’elle passait dans les couloirs, puis par la cuisine du château, elle fut sidérée par les « dame Aila » par ci et par là, égrenés par tous les serviteurs qu’elle croisa, le tout accompagné de révérences ! Elle avait presque oublié son statut de promise d’Hubert… Après un détour pour saluer Lumière, elle rejoignit le manège, heureuse de la solitude et de pouvoir libérer l’énergie qu’elle sentait bouillonner en elle. Elle débuta par des échauffements simples avant de travailler sur des enchaînements au kenda plus complexes, qu’elle n’avait pas pratiqués depuis des mois. Certains d’entre eux lui avaient toujours donné du fil à retordre, alors elle se força à les reprendre encore et encore jusqu’à ce qu’elle eût acquis la fluidité espérée. Ensuite, elle multiplia les combinaisons. Elle courait, bondissait, plongeait, tournait et recommençait, accélérant l’allure, augmentant l’amplitude des mouvements. Elle réfléchissait à créer d’autres exercices quand la deuxième cloche sonna. Elle décida alors que, Lomaï devant être réveillée, elle pouvait rentrer se changer. Ce fut à ce moment qu’elle découvrit Hector, assis dans un recoin, qui l’observait avec attention.
— Je ne vous le répéterai jamais assez, vous êtes fabuleuse…
— Je vous remercie, sire Hector. Que faites-vous ici ?
— Il est énoncé que les portes de la vie sont ouvertes à ceux qui n’attendent pas le soleil pour se lever.
— Et ceux qui l’affirment ont bien raison.
Ils rirent de bon cœur.
— Vous n’êtes pas la promise d’Hubert, n’est-ce pas ?
Aila ne voulut pas mentir à cet homme qu’elle appréciait particulièrement.
— Si, jusqu’à ce que vous partiez. Ensuite, je serai probablement répudiée.
— Il ne vous plaît pas ?
— Je crois que c’est plutôt moi qui aurais une fâcheuse tendance à le faire sortir de ses gonds !
— Hubert ? Je voudrais bien voir cela ! Dommage… Vous formiez un si beau couple sur la piste de danse hier soir et, moi, j’aurais rêvé de prendre sa place dans vos bras…
— Mais vous l’avez été !
— Oui, mais vous n’avez pas posé le même regard sur moi…
— Vous vous trompez, sire Hector. Je n’étais qu’une fausse princesse l’espace d’une soirée et un peu d’excitation rendait mes yeux brillants à l’ouverture du bal…
— En êtes-vous bien certaine ?
— Oui, certaine. Je me suis déjà fait happer une fois par les illusions de ces soirées où la tête vous tourne et où vous ne savez plus vraiment qui vous êtes et ce que vous faites… Vous croyez donner ou prendre un cœur un soir et, le lendemain, il a déjà fondu au soleil ! Ces histoires-là ne sont pas pour moi. Je suis une combattante.
— Même les guerrières ont besoin d’amour…
— Je me suis bien passée de celui de mon père jusqu’à présent. Je saurai renoncer à celui d’un homme.
— Mais ce n’est pas la même chose, Aila ! Peut-être, un jour, souhaiterez-vous fonder une famille et élever des enfants ? D’autres combattants se sont rangés pour devenir de parfaits époux… ou épouses. Il ne sera jamais trop tard pour changer d’avis…
Elle haussa les épaules.
— Peut-être, mais aujourd’hui, ce n’est pas le cas.
— Et pourtant, son baiser vous a plu…
Elle ne put s’empêcher de maudire Hector, tandis qu’elle sentait ses oreilles s’échauffer :
— Bien sûr ! Mais comme je vous le disais, ces soirées peuvent vous tourner la tête l’espace d’un instant.
— Je vous aime bien et Hubert se comporte comme un imbécile en n’ayant pas deviné la femme que vous cachez…
— De toute façon, ceci ne changerait rien. Aujourd’hui, je ne suis que la fille d’un palefrenier depuis que j’ai perdu l’aura héroïque de mon père. Nul souverain ne se contente d’une fille de ferme pour épouse.
— Parce que pour vous la valeur d’une personne dépend de sa naissance !
— Non ! Mais son mariage avec un futur roi, oui !
— Juste. Vous pouvez rajouter cela à mes nombreux défauts, je suis un doux rêveur…
— Vous êtes surtout un charmant sire dont j’apprécie particulièrement la compagnie.
— Que voilà un compliment joliment tourné… J’en ai autant à votre service, gente damoiselle. Juste une dernière remarque, je connais bien Hubert et mon cœur est en peine de le voir barricader ses émotions et vivre aussi seul. Alors, si un jour l’envie vous prenait de le forcer à ouvrir les portes de son cœur, ne renoncez pas trop vite…
Elle hocha la tête sans répondre. Pour ne pas mettre fin aux illusions d’Hector, elle préféra ne pas lui dire que cette aventure ne la tentait pas.
— Et maintenant, que comptez-vous faire de votre matinée ? enchaîna-t-il.
— Je pars caresser Lumière, mon cheval.
— Une promenade à cheval ! Quelle brillante idée avant mon départ ! Je vais chercher Hubert, vous vous joignez à nous ?
Comment le lui refuser ? Décidément, cet homme était un manipulateur hors pair ! Sous ses dehors de naïveté profonde, il vous emmenait en douceur vers l’endroit où il voulait vous voir arriver et cela marchait. Pourquoi tenait-il tant à les forcer à se retrouver ensemble ?
— Avec plaisir. Je me change et vous rejoins ici dans un quart de cloche.
Elle se dépêcha d’effectuer l’aller-retour. Elle fut tentée de demander à Lomaï de se joindre à eux, mais elle se refusa à décevoir Hector. De toute façon, quoi qu’il eût prévu, ses bonnes intentions étaient vouées à l’échec.
Comme avec Henri et Éléonore, Hubert avait décidé de paraître charmant et sa conversation animée avec Hector ponctua la promenade. Ils étaient partis à l’ouest d’Avotour et Aila, reprenant son rôle de garde, se concentrait sur les nouveaux paysages qu’elle découvrait et sur un danger éventuel. Cependant, tout semblait étonnamment calme. Restant vigilante, elle entendait distraitement les propos échangés entre les deux cavaliers. Au départ, Hector avait bien essayé de la mêler à discussion, mais la concision des réponses d’Aila et sa mauvaise volonté évidente l’avaient finalement fait renoncer. Ils rebroussaient chemin quand elle se figea, arrêtant son cheval. Elle ferma les yeux pour écouter très loin en elle la voix qui résonnait : c’était celle d’un homme et il appelait à l’aide.
— Sires Hector et Hubert ! Je vous laisse, aucun danger ne vous guette sur le trajet du retour. Dites au roi Sérain que je serai de retour sans faute cet après-midi.
Le cheval d’Hector avait déjà fait demi-tour et trottait avec son cavalier vers elle.
— Que se passe-t-il ?
— J’ai perçu l’appel de détresse d’une personne et je dois la trouver.
— Si quelqu’un a besoin d’aide, je viens ! affirma Hector. Hubert, suivez-nous ! Nous allons accomplir notre bonne action quotidienne.
Le prince obtempéra, manifestement à contrecœur, mais lui non plus n’osa pas contrarier son second père.
— Par où devons-nous partir ? Je n’entends rien, s’enquit Hector.
Elle lança son esprit pour capter l’écho de la voix si faible et si lointaine.
— Par ici, dit-elle, en pénétrant dans le sous-bois.
Elle hésita souvent sur la route à prendre et ils changèrent de direction plusieurs fois, se heurtant à des obstacles naturels imprévus. Coincé par la présence de son second père, Hubert ne se hasarda pas à la moindre réflexion désagréable sur la conduite tortueuse des opérations dont elle fit preuve. Enfin, après un temps qui parut infiniment long, les appels d’une personne parvinrent à leurs oreilles. Ils provenaient d’une petite chaumière à l’orée du bois, dont la porte était grande ouverte. Entendant le bruit de chevaux, un homme en sortit et se dirigea vers eux en courant.
— Mes seigneurs ! Ma femme est en train d’accoucher et elle est au plus mal ! Allez chercher du secours ! Je vous en supplie !
Aila se pétrifia. Au visage du malheureux qui venait de surgir se superposa celui de l’aubergiste avec le même désarroi de perdre l’être aimé. Pourquoi s’attacher à quiconque si ce n’était que pour souffrir de sa disparition ? Descendant de cheval, elle saisit l’homme par les épaules, s’efforçant de canaliser l’attention de l’homme.
— Mon brave, je vais voir si je peux vous porter secours à votre femme. Quel est son prénom ?
— Nelle, elle s’appelle Nelle et je suis Perrain. Vous pouvez l’aider ?
— Je ne sais pas encore, mais je vais tenter tout mon possible.
Elle pénétra dans la chaumière, laissant les trois hommes dehors. Comme la terre desséchée qui entourait la maison, la pièce sombre et propre reflétait le dénuement du jeune couple. Un gémissement rappela Aila à sa tâche et elle s’approcha du lit, saisissant avec douceur la main en sueur qui agrippait le drap.
— Bonjour, Nelle, je m’appelle Aila et je suis venue pour vous aider.
Grimaçant, la femme alitée se remit à se plaindre, tandis que Perrain revenait à ses côtés.
— J’ai mal ! souffla-t-elle.
Aila projeta son esprit. En une poignée de secondes, elle analysa que le bébé s’était engagé en siège dans le bassin de la femme, mais qui, trop étroit, refusait le passage de sa tête, alors que ses pieds pointaient à l’extérieur. Nelle s’épuisait inutilement à pousser un bébé qui ne pouvait sortir et ce dernier souffrait un peu plus chaque minute. Aila sentit le désespoir l’envahir. En général, dans ces cas-là, c’était la mère ou l’enfant… Le souvenir d’un poulain mutilé pour sauver la vie de la jument lui revint en mémoire et elle en frémit d’horreur. Par les fées, là, ce n’étaient pas des chevaux ! La vie et le bonheur de trois êtres étaient en jeu : un père qui se tordait les mains, oscillant entre espoir et désespoir, et une mère et son enfant dont les souffrances devenaient insupportables. Elle devait trouver une solution et vite ! Mais laquelle ? Une idée folle naquit dans son esprit. Si elle cassait le bassin de la femme à l’endroit le plus étroit, les os s’ouvriraient et le bébé passerait… La douleur serait insoutenable pour sa mère, mais seulement de façon temporaire. Une fois l’enfant sorti, Aila n’aurait plus qu’à tout réparer.
— Mon brave, pouvez-vous aller chercher la ceinture accrochée à la selle de mon cheval ?
L’homme s’exécuta rapidement et revint accompagné d’Hector qui lui tendit la ceinture.
— Puis-je vous apporter mon aide ? lui demanda-t-il.
— Je ne sais pas encore. Ne vous éloignez pas et emmenez avec vous ce monsieur, j’ai besoin d’agir seule.
Elle prit une petite feuille qu’elle plaça dans la bouche de la femme.
— Mâchez-la lentement. Vous allez souffrir énormément, mais, après, votre bébé sera né et tout rentrera dans l’ordre. Êtes-vous prête ?
Trop affaiblie pour parler, Nelle acquiesça d’un léger signe de tête. Aila passa ses mains au-dessus du bassin, s’assurant que l’endroit le plus étroit présentait aussi le plus de fragilité. Elle inspira longuement, puis focalisa toutes les forces de son esprit pour le rompre. Cependant, l’os, plus solide que prévu, résista, tandis qu’elle s’acharnait, fermant son cœur aux hurlements de la femme. Par les fées, elle devait réussir ! Enfin, sous la pression du crâne de l’enfant, l’os fragilisé se brisa brusquement et Aila appela Hector. Elle appuya avec vigueur sur le ventre de la mère.
— Dégagez le bébé en le tirant doucement par le corps. Bien ! Attrapez la tête qui arrive en la soutenant. Bien ! Vérifiez que rien n’est enroulé autour de son cou ! hurla-t-elle, dominant les cris de Nelle.
Il obtempéra avec diligence et saisit délicatement le nouveau-né qui venait de paraître dans un silence terrifiant, la femme, submergée par l’onde de douleur, s’étant évanouie. Immédiatement, Aila s’attela à la réparation du bassin. Les os poussés par le nourrisson s’étaient écartés, meurtrissant les chairs au passage et provoquant une hémorragie qu’elle colmata partiellement pour se donner un peu de temps.
— Aila, le bébé, il ne crie pas, ça ne me semble pas normal, intervint Hector.
« Non, pas tout ensemble ! », gémit-elle intérieurement.
— Prenez en charge la femme, je m’occupe de l’enfant !
Elle l’installa sur ses genoux, cherchant le moyen le plus rapide de redémarrer sa respiration. Tout en concentrant son esprit sur ses poumons et son rythme cardiaque, elle le massait, lui parlait et, quand enfin il vagit, elle le rendit à Hector.
— Gardez-le bien au chaud ! lui dit-elle, alors qu’elle se tournait Nelle.
Malgré la fatigue qui l’envahissait, Aila ne flancha pas. Elle commença par replacer les os, prenant soin de ne pas aggraver la situation existante. Méthodiquement, elle répara la cassure, consciente de n’avoir aucun droit à l’erreur. Dans son intense concentration, elle n’entendit même pas Hector retourner dehors avec le bébé. Elle cicatrisa les chairs tuméfiées et peaufina l’étanchéité des vaisseaux sanguins, attendant la délivrance de Nelle. Heureusement, celle-ci ne tarda pas. D’un geste, elle contrôla le pouls de la femme et fut soulagée de constater qu’il était redevenu régulier. Une dernière vérification mentale sur l’état de Nelle et Aila, éreintée, s’écroula sur le tabouret au pied du lit. Alors qu’elle songeait au bonheur d’avoir sauvé une mère et son enfant, une idée la glaça soudainement : tous les efforts qu’elle venait de consacrer à deux êtres devaient avoir également épuisé les fées. Son cœur se serra. Une nouvelle fois, elle avait encore choisi l’intérêt d’un seul ! Elle ne serait donc jamais à la hauteur… Prise de vertige, elle ferma les paupières, retenant les larmes qui montaient. Perrain rentra à ce moment-là, tenant son bébé contre lui. Le silence persistant dans la maison lui avait fait craindre le pire et il avançait à petits pas, terrifié par ce qu’il risquait de découvrir. Aila rouvrit les yeux.
— Elle vit. Elle a perdu beaucoup de sang, ce qui l’a terriblement épuisée, mais elle a survécu. Le dernier danger qui la menace est l’infection. Je vous expliquerai comment l’éviter.
La joie qu’elle lut dans le regard de l’homme ne parvint pas à soulager son cœur. Était-ce une loi de la nature qui imposait de sacrifier une vie pour en sauver une autre ?
— Oh ! merci… C’est une fille, dit-il, en lui tendant le bébé avec un sourire.
Aila ne l’avait même pas réalisé quand elle l’avait réanimée. Perdue dans ses idées, elle caressa doucement la main de la nouveau-née.
— Elle est très mignonne et, maintenant, elle ira bien…
— Elle s’appelle Aila, ajouta Perrain, en la fixant.
La jeune femme posa son regard sur lui, interrogateur.
— Pour qu’elle se souvienne à jamais qu’elle vous doit la vie.
— Elle ne me doit rien, ni vous ni votre femme, d’ailleurs. Mettons que des fées bienveillantes ont dû passer par là…
C’était si vrai ! Mais combien cela leur avait-il coûté ? Combien de nouvelles fées reposeraient dans la grotte à cause d’elle et de son inconscience ? Les larmes lui brûlèrent à nouveau les yeux, mais elle les contint, un fragile sourire aux lèvres. L’homme s’approcha de son épouse qui n’avait pas encore repris connaissance et lui parla avec douceur. Étreinte par un sentiment aigu de culpabilité, Aila quitta la chaumière pour les laisser ensemble.
— Comment va la mère ? demanda Hector.
— Bien, mais elle a beaucoup souffert.
— Nous avons entendu… Le père a été très courageux, mais le pauvre a blêmi d’un coup quand le silence a succédé aux hurlements. Alors, comme vous n’appeliez pas, il a pris peur…
« Par les fées, je n’y ai pas pensé… », songea-t-elle. Encore une erreur, une de plus… Juste de quoi l’accabler davantage…
— Ma femme est réveillée. Elle désire vous parler, intervint une voix derrière elle.
Suivant Perrain, Aila retourna dans la chaumière et s’assit près de Nelle dont le visage conservait les marques de la souffrance passée.
— Je ne pensais pas que je survivrais, ni mon enfant, murmura la jeune mère, dans un souffle. Merci.
— Comme je l’ai dit à votre mari, remerciez les fées et leur magie, ajouta-t-elle, tandis que leurs mains s’étreignaient.
Quand elle quitta une nouvelle fois la maisonnette, Hector, berçant gentiment le bébé dans ses bras, discutait avec Perrain. À sa vue, il courut vers elle plus qu’il ne marcha.
— J’ai proposé à ce brave homme, étant donné que j’ai quasiment mis son bébé au monde, d’en faire ma seconde fille. Après mon cher Hubert, j’aurai une petite Aila ! N’est-ce pas magnifique ? C’est un signe des fées, j’en suis sûre ! expliqua Hector, rayonnant de fierté.
Intarissable, il exposa dans les détails ce qu’il avait planifié. La petite famille resterait ici jusqu’au complet rétablissement de la jeune maman et il allait dépêcher des gens à lui pour prendre soin d’eux. Et puis une fois tout le monde sur pied, ils déménageraient pour habiter en Hanau. Sa demeure conviendrait grandement pour accueillir toute cette petite famille. Et dorénavant, plus jamais elle ne serait vide ! Tout cela paraissait bien extravagant à Aila, mais, après tout, pourquoi pas ? D’un côté, une famille démunie qui venait de traverser de grandes épreuves et de l’autre, un homme bon qui avait tout à donner. Peut-être, sous ses dehors d’aventurier, plein d’entrain et d’assurance, la solitude pesait-elle plus dans sa vie qu’il ne le laissait penser… Aila observa Perrain qui les avait rejoints. Il semblait à la fois apaisé et perdu, hésitant à croire que tous ses malheurs étaient définitivement terminés. Une nouvelle idée explosa dans l’esprit d’Aila. Et si elle avait sauvé cette petite fille parce qu’elle était l’héritière ! Le cœur battant, elle se raccrocha à cette pensée, pressée d’en demander la confirmation aux fées. Un bruit de cavalcade leur fit tourner la tête. Avelin et Aubin arrivaient au trot.
— C’est toujours pareil ! On vous laisse cinq minutes et on vous retrouve encerclés par des bandits ou perdus au milieu de nulle part ! s’écria Avelin, moqueur. Savez-vous que tout le monde au château s’inquiète de votre absence ? La cinquième cloche a sonné depuis bien longtemps. J’ai demandé à Aubin de suivre vos traces et nous voilà…
Avelin s’inclina avec panache. Aila ne s’était pas aperçu de l’heure tardive et elle allait devoir faire face une nouvelle fois à ses responsabilités… Cependant, quand elle voulut parler, Hector la devança.
— Sérain pardonnera au vieil homme que je suis sa fantaisie et sa curiosité ! Tout est de ma faute et nous serions rentrés depuis longtemps si je n’avais pas eu envie de devenir grand-père ! Regardez, voici ma petite fille d’adoption ! C’est moi qui l’ai mise au monde et elle se prénomme Aila en l’honneur de celle qui a sauvé sa vie ainsi que celle de sa mère ! Elle est magnifique ! Allez, retournez vite rassurer le roi. Pendant que vous y serez, demandez à ce que l’on nous prépare une légère collation pour notre retour, car nous n’avons pas mangé depuis ce matin. Transmettez à mes gens que je ne partirai que demain à la première cloche et, pour terminer, faites envoyer un panier de nourriture bien garni pour cette petite famille !